Vous lisez Procrastination : S02E15 – Les blocages

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Liste des Episodes transcrits

Mélanie propose de parler pour cet épisode, non pas de l’angoisse de la page blanche, mais du réel blocage : le texte qui ne veut pas s’écrire, la situation qui ne se débloque pas, peut-être en lien avec la personnalité de l’auteur. Laurent est plutôt d’accord, mais Lionel déteste qu’on lui dise qu’il ne peut pas faire quelque chose, même s’il se soigne avec l’âge. Il se dégage au cours de l’épisode la nécessité capitale de l’introspection pour l’auteur, afin de savoir ce qu’il veut ou peut explorer – et comment il peut contourner une contrainte de manière créative, fût-elle personnelle. (Blog de Lionel Davoust)

Et dans la suite de l’article la transcription de l’épisode (à noter que le texte à télécharger a une mise en page plus claire, avec notamment un code couleurs et un texte aligné). N’hésitez pas à intervenir dans les commentaires pour évoquer votre expérience !

S02E15 : Les blocages

(Transcription : Plokie ; Relecture et corrections :  Symphonie)

Vous écoutez Procrastination, Saison 2 Épisode 15 : Les blocages

Podcast sur l’écriture en 15 minutes.

Parce que vous avez autre chose à faire.

Et qu’on n’a pas la science infuse.

Avec les voix de : Mélanie Fazi, Laurent Genefort, et Lionel Davoust.

Mélanie Fazi : Alors c’est un épisode dont j’ai eu l’idée suite à différents thèmes qu’on a traités récemment, et notamment l’angoisse de la page blanche, qui est un sujet qu’on a abordé dans un autre épisode qui m’a incitée à revenir sur le sujet et à vous suggérer ce thème. Car j’ai du mal avec le fait que quand on parle de l’idée blocage, du moment où l’écrivain se retrouve coincé, tout de suite on nous pose la question de l’angoisse de la page blanche.

C’est entré vraiment dans les mœurs, et dans l’imaginaire collectif on va dire. D’une part personnellement c’est quelque chose que je connais assez peu, et d’autre part pour moi ça n’inclut pas tout un tas d’autres blocages qui existent et qui ne sont que rarement traités : l’incapacité dans le processus d’écriture ou le processus de conception. Il y a cette idée avec laquelle j’ai beaucoup de mal qui est que globalement en gros, « quand on veut, on peut ».  Il y a énormément de méthodes d’écriture qui expliquent comment dénouer les choses. Et ma thèse personnelle sur laquelle on s’est souvent… je ne vais pas dire écharpés, mais on a énormément débattu notamment avec Lionel. C’est que je maintiens que dans certains cas, chez certains écrivains, il y a certaines choses qui ne peuvent pas se débloquer et Lionel a plutôt l’approche inverse de la mienne qui est de dire qu’à un moment donné « tout problème a sa solution ». J’ai eu envie de lancer ce débat-là : le débat du blocage. Ça peut prendre plusieurs formes, ça peut être quand on cherche une idée, et que ça ne veut pas, et vraiment ça ne vient pas. Et qu’est-ce qu’on fait à ce moment-là ? Ou des passages de blocage plus longs, qui pour moi peuvent être le signe qu’un changement est en train de s’amorcer. J’ai connu ces phases là aussi. Voilà je voulais vous lancer sur ce sujet-là puisque je sais qu’on n’a pas tout à fait la même attitude par rapport à ça.

Lionel Davoust : Alors moi je ne supporte pas de ne pas pouvoir faire quelque-chose (rires). C’est mon blocage à moi, ça. Quand je me suis mis à vouloir écrire vraiment sérieusement, je me disais que l’écriture, voilà il y avait une technique dans l’écriture et que plus je pouvais l’acquérir et plus je pouvais me documenter dessus, plus j’aurais d’outils dans la boite en fait. Et donc après je suis un peu revenu quand même là-dessus, mais pour moi le blocage a toujours été le symptôme que je ne m’étais pas construit le bon outil. Il faut différencier les compétences de base, globalement tout auteur doit pouvoir quand même à peu près faire une description, un dialogue, gérer son rythme, etc. Après est-ce qu’il y a des thèmes et des endroits où on ne peut pas aller ? Moi j’ai plutôt tendance à me dire qu’il y a peut-être des endroits où on ne veut pas aller, ce qui me parait plus productif – c’est toujours mes marottes ça – parce que ça permet derrière de se dire « Pourquoi je ne veux pas y aller ? » et « Y a-t-il une façon où je pourrais y aller qui pourrait devenir intéressante ? ». Y ‘a-t-il un type de scène, par exemple, que je n’arrive pas à écrire ? Pour moi la question revient à : « je n’ai pas trouvé la manière dont ça peut me parler et dont je peux m’approprier la question », la question va se déporter là-dessus.

MF : Le type de scène c’est intéressant, parce que c’est un des points que je voulais aborder. Mon cas personnel, j’ai deux exemples qui me sont venus. Par exemple je suis incapable d’écrire une scène d’action. Et il y a une raison très simple à ça, c’est que les scènes d’actions en tant que lectrice, en tant que spectatrice, et même dans une moindre mesure en tant que traductrice, ça m’ennuie prodigieusement. Il n’y a absolument rien que je trouve aussi inintéressant personnellement qu’une scène d ‘action.  Donc de base je ne vais jamais pouvoir en écrire, mais simplement je ne vais même pas vouloir en écrire. Je sais qu’il y a un certain nombre de domaine où je ne peux pas aller. De la même manière qu’un texte de Science-Fiction très scientifique, là c’est pour d’autre raisons, c’est je ne m’en sens pas les capacités et je sais tout à fait que mes propres limites sont là. La scène d’action c’est plus un inintérêt profond. Je ne vais pas me forcer à écrire quelque chose qui m’ennuie en tant que lectrice. Je sais déjà que j’ai des limites. Et si par exemple, quand on vient me chercher avec un appel à texte, selon le thème qu’on me propose je sens instinctivement que je vais pouvoir, même en me forçant un petit peu, je vais pouvoir m’insérer dans ce thème ou je sais que non y’a pas moyen. On m’a proposé un texte de cape et d’épées par exemple je sais que non, je peux pas. Ça ne m’intéresse même pas d’essayer. Il y a différents types de blocages effectivement.

Pour moi, disons que j’ai la certitude qu’il y a deux types d’écrivains. J’ai fini par établir ça. Pour moi Il y a des écrivains qui sont un petit peu, j’hésite en caméléon et touche à tout, ils sont intéressés par tout, ils vont essayer tout à un moment donné, c’est « tiens, aujourd’hui je vais faire du polar, tiens je vais faire de la Science-Fiction, tiens je vais faire ça ». Et qui sont à l’aise un peu dans tout, et qui sont motivés justement par ce défi. Et il y en a d’autres dans lesquels je m’inscris qui vont plutôt creuser un seul sillon. Qui ont des outils… est-ce que c’est plus limités ? Je n’en sais rien. Je dirais que mon terrain de jeu, mon champ d’action est beaucoup plus circonscrit. Et que je sais que je n’ai pas la capacité d’aller ailleurs, et que ça me terrorise plutôt que ça ne me motive. J’ai cette certitude depuis longtemps qu’il y a en fait 2 types d’écrivains et que les blocages concernent peut-être plus les deuxièmes justement.

Laurent Genefort : Je suis assez comme toi Mélanie. Je gère les sujets à ma portée, d’une certaine manière. Parce que d’abord, je trouve que écrire c’est quelque chose qu’on doit faire avec plaisir, en tout cas moi c’est ma conception. Il y a des écrivains qui écrivent dans la douleur. Moi c’est pas mon cas, ou en tout cas j’aime bien m’installer dans un certain confort intellectuel, on va dire. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas des petits challenges à l’intérieur de chaque roman. Quand on dit que le propre de l’écriture c’est de douter, c’est vrai. Le fait de chercher la meilleure phrase possible, c’est un doute, ça part d’un doute. Est-ce que j’ai écrit ce qu’il fallait ? le fait de se relire, ça veut dire qu’on est pas sûr d’avoir écrit ce qu’il fallait. On est dans le doute permanent.

En revanche à un niveau un petit plus méta, un petit peu plus élevé, c’est là où se pose le problème de « est-ce qu’on est capable de ? » et je suis comme toi Mélanie. Moi j’ai mis des années avant de traiter de « l’extraterrestre » qui pourtant est au cœur de la Science-Fiction par exemple. Mais pour moi l’extra-terrestre c’est un thème qui est très difficile. J’ai attendu d’avoir accumulé une certaine expérience littéraire pour me lancer dans quelque chose que je considérais comme vraiment difficile. C’est comme l’anticipation, faire un récit dans un futur proche, pour moi c’est quelque chose de difficile. Se projeter dans un futur proche, sur Terre, dans un futur qui puisse ne pas être ridicule dans cinq ans, pour moi c’est quelque chose de vraiment très dur. Et une partie du fait que je me suis orienté vers le space opera, ça tient aussi d’une sorte de fuite quelque part, et donc de rester dans un certain confort aussi. Et donc d’éviter ce type de blocage.

MF : J’ai souvent entendu des écrivains dire exactement ce que tu dis, qu’ils se réservaient un projet très ambitieux ou autre, pour plus tard, pour quand ils en seraient capables. Ça n’a jamais vraiment été mon cas. Ça rejoint un peu une certitude que j’ai aussi, enfin une intuition, on va dire, qui est aussi qu’on a tendance à concevoir l’écriture comme quelque-chose d’absolu. On est capable de ça, ou on n’est pas capable de ça, etc. J’ai de plus en plus l’impression que ça fluctue selon les périodes de la vie et l’état d’esprit dans lequel on est à un moment donné. J’ai connu moi personnellement plusieurs fois des blocages absolus c’est-à-dire pas d’idées du tout pendant des mois, qui soit étaient liés à un passage personnel un peu difficile comme on en a tous connu, soit liés au fait que mon écriture était en train d’avancer, était en train de connaitre une évolution parce que moi-même j’évoluais, que ça cherchait sa forme, et qu’en fait ça se bloquait en attendant le moment ou ça allait émerger, mais émerger transformé. J’ai connu ça plusieurs fois. Mais je pense aussi qu’il y a des périodes où on n’est pas capable de traiter un sujet, des périodes où on ne va pas être capable d’aller vers quelque chose peut-être, ou en tout cas certains types d’écrivains.

LD : Je pense que vous avez donné les deux termes qui pour moi sont hyper-opérants et auxquels il faut prêter attention notamment dans sa sensation, c’est la difficulté et la douleur. Qui peuvent être parfois très proches. Parfois écrire c’est tellement difficile que ça en devient douloureux. Parfois des choses sont tellement douloureuses qu’on ne veut pas ou qu’on ne peut pas y aller. Parfois c’est juste difficile parce qu’on s’attelle à quelque chose ou notre compétence se forme en même temps qu’on s’y attelle. Ou parce qu’on sort de sa zone de confort. C’est un équilibre qui est vraiment, je trouve, très subtil mais qui, il me semble, fait partie des compétences de survie vitales pour un auteur. De se dire « est-ce que je suis en train de me faire du mal ? », et à ce moment-là, il faut peut-être se poser des questions. Ou est-ce que je suis en train de faire des choses difficiles mais c’est normal, ça fait partie du processus.

Et je pense que la difficulté fait, dans une certaine mesure, plus ou moins importante et plus ou moins le rapport masochiste qu’on a à l’écriture. Je pense que je le suis un peu. Je me souviens Mélanie, quand on avait cette discussion, je te disais que moi j’ai tendance à taper la tête contre les murs jusqu’à ce qu’il y ait un truc qui cède, et j’essaye de faire en sorte que ce soit le mur. J’étais plus jeune et rétrospectivement je ne suis pas entièrement certain que ce soit très sain (ah ! de MF).

Cette difficulté, chacun place le curseur où il veut. À mon avis elle doit toujours de toute façon attirer l’attention de l’auteur en se disant « qu’est-ce qu’elle veut dire ? », « est-ce que cette difficulté, c’est juste parce que je suis en train de faire quelque chose de compliqué qui nécessite – et on en parlait dans l’épisode précédent de la scène – de mettre beaucoup de polyscénie, ça nécessite beaucoup de ressources mentales, peut-être plusieurs passes, etc., donc c’est difficile, mais quelque-part c’est une forme de technique qu’on doit acquérir. Ou est-ce que c’est douloureux, et ça peut aussi être… Moi j’ai eu le cas par exemple sur Le verrou du fleuve, le deuxième Dieux Sauvages, ça a été un bouquin douloureux entre autres parce que je ne sentais pas le truc. Alors que j’ai écrit le premier assez vite, je me mettais une pression de malade, je voulais arriver à faire les choses bien, et c’était finalement assez paralysant. Et le premier chapitre, il m’a fallu huit versions pour arriver à ce que je me dise « ok, là ça va ».

Il y a toujours cet équilibre qui est difficile à ménager. Et qui à mon avis est un curseur personnel à trouver entre : il faut que je persiste – on parlait des premiers jets aussi – parce que ça veut dire que les réponses vont se construire au fur et à mesure de l’écriture et même si c’est difficile, c’est normal, et ce travail à travers cette difficulté-là, je vais avoir les réponses à mes questions et je vais pouvoir corriger. Ou alors non, ça va pas, je me sens pas bien. Et c’est un équilibre difficile à trouver parce qu’en plus, évidemment, la réponse qu’ont les auteurs qui peuvent avoir tendance à procrastiner parce que l’écriture est anxiogène ça peut être « ah oui mais alors si c’est difficile c’est parce que je ne suis pas bien donc ça veut dire qu’il faut que je prenne du temps pour ré-écrire pendant 5 ans mon premier chapitre » et ça, ça ne marche pas non plus.

MF : Ça ne marche pas non plus.

LD : Il y a vraiment une attitude… Je pense que cette douleur et cette difficulté, il faut les amener à la conscience pour essayer de faire un travail d’introspection et se poser la question « qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça signifie ? » Est-ce que je suis juste pas content de ce que je fais, est-ce que comme tu le disais Mélanie, il faut que je mature sur quelque chose ou est-ce que c’est juste parce que c’est dur et je me colle un coup de pied aux fesses, et j’avance, et au bout d’un moment j’aurai un truc sur lequel je pourrais retravailler.

MF : Je reviens à ce que tu disais. Pour moi c’est la différence entre insister un petit peu en se disant « je me force, je me fixe un défi, il va naitre des choses » et le moment où on essaye de forcer sa nature. Forcer sa nature, ce n’est jamais quelque chose de très bon, et moi j’ai vraiment de plus en plus cette conviction vraiment profonde qu’on écrit avec la personne qu’on est, et la personne qu’on est a des capacités et aussi des blocages, ou des points où elle ne peut pas aller. Et j’ai connu une situation d’échec total sur une nouvelle que je n’ai jamais retravaillée de manière à ce qu’elle soit publiable. J’ai cru au départ que je bloquais parce que techniquement elle était un peu ambitieuse et un peu compliquée à mettre au point, et c’est une nouvelle sur laquelle j’ai ramé parce que je n’arrivais pas à la concevoir assez précisément pour bien écrire, et en fait c’est avec le recul que je me suis rendu compte que j’ai voulu mettre en scène des personnages qui étaient tellement éloignés de mon rapport aux choses, au rapport notamment à la notion de vie quotidienne, de famille, etc. J’ai voulu mettre en scène quelque chose que je n’arrive tellement pas à concevoir que je ne peux pas l’écrire. C’était vraiment l’opposé total de mon quotidien. Et avec des années de recul, je m’aperçois que ce texte n’a pas pu s’écrire parce que j’ai voulu faire quelque chose qui m’est étranger et qui m’est inconnaissable j’ai envie de dire. Il m’a fallu quand même bcp de temps pour arriver à cette conclusion que cette nouvelle n’a pas marché parce que j’ai voulu aller au-delà de mes limites justement.

LD : C’est intéressant, tu disais « forcer sa nature c’est plutôt une mauvaise chose ». Moi mon réflexe c’est plutôt de me dire c’est plutôt une bonne chose au contraire, ça m’intéresse de forcer – c’est peut-être pour ça que je suis un grand masochiste – ça m’intéresse de forcer ma nature, de sortir de ma zone de confort, alors que ça me terrifie, et que c’est pas mon réflexe.

MF : C’est pas la même chose à mes yeux, justement.

LD : Ah ! c’est marrant

MF : Ce que j’appelle forcer la nature c’est vouloir aller contre ce qu’on est, et insister même si ça ne marche pas. Quitte à se faire mal, justement

LD : Moi j’ai tendance à toujours essayer

MF : Ah !

LD : Il m’est arrivé des cas où effectivement dans de rares cas, sur certains textes, j’ai dit « j’y arrive pas, je peux pas aller là ou en tout cas je suis un être humain trop imparfait encore pour arriver à faire ça ». Mais j’ai tendance à dire, ça me parait toujours intéressant d’essayer. Parce qu’on retire de cette épreuve une leçon d’écriture ou de vie qui peut justement, informer, derrière les choses. On peut se dire « je ne vais pas là parce que je ne me sens pas bien », très bien, mais ça me parait difficile – je suis peut-être juste stupide – ça me parait toujours difficile à priori d’identifier ces zones-là.

MF : D’identifier sur le moment, disons qu’au minimum on apprend que là il y a quelque chose qui bute. Moi, ce que m’a appris l’expérience, et je me rends compte vraiment depuis quelques années, c’est qu’à chaque fois que j’ai buté sur quelque chose que je n’ai pas réussi à corriger, si on me dit « tel personnage n’est pas crédible » ou autre et que j’essaye de redresser le tir, et ça veut pas. À chaque fois que j’ai eu un blocage d’aussi absolu sur quelque chose que j’essayais de ramener, des années après j’ai compris que c’était un blocage personnel qui s’exerçait et que simplement le voisin peut faire ça, moi ce n’est pas dans ma zone de possibilité. Et à chaque fois c’est pour des raisons personnelles et pas techniques. Et je pense que quand on parle de conseils d’écriture, on a tendance à négliger cette dimension-là.

LD : Je pense que t’as raison. Sur ce truc-là, entre guillemets, moi je dis ça tout ce que je viens de dire, mais il y a une part de moi qui se doit d’admettre que je suis un gros tricheur des fois. Qui est qu’un type de scène, ou un type de thème qui me parait potentiellement … J’aime bien ce que tu disais, qu’on écrit toujours avec la personne qu’on est. Moi ma manière de franchir cette chose-là c’est de voir comment la personne que je suis peut apporter quelque chose de personnel, ou traiter ces choses-là avec l’angle de la personne que je suis, qui parfois peut être une grosse arnaque, c’est-à-dire ne pas traiter le thème mais parler d’autre chose. Parler de la manière dont cette personne-là va voir cette chose-là.

MF : J’ai tendance à faire ça aussi, c’est-à-dire qu’il m’est arrivé plusieurs fois de contourner des blocages. Quand je n’arrive pas à débloquer quelque chose. Par exemple dans l’ouvrage collectif Kadath qu’on a écrit à plusieurs, inspiré de Lovecraft, à un moment donné j’ai un personnage qui devait rencontrer des dieux, dans cette ville de Kadath, et j’ai bloqué totalement sur l’idée de développer une mythologie de dieux précise, avec l’identité, la fonction, tout ça. Je pouvais pas. Et en fait j’ai retourné le truc en en faisant que les dieux en question étaient amnésiques, et eux-mêmes ne savaient pas qui ils étaient. Donc quelque part j’ai utilisé ce blocage comme élément narratif parce que je voyais que si j’insistais, je n’y arriverais pas et ça ne serait pas convaincant. Donc c’est exactement ce que tu dis, j’ai fait une petite pirouette, j’apporte ma conscience de ce blocage et hop ! on va détourner le problème.

LD : Alors je veux juste rendre des lettres de noblesse au processus – tu parles de pirouette et moi de grosse arnaque (rires de MF) – en réalité j’ai tendance à dire, et je trouve, que ça fait partie du cœur de la création quelle qu’elle soit, et de la création littéraire en particulier. On en a parlé dans l’épisode sur les mythes et les motifs, c’est là qu’il y a en fait le cœur de la création, c’est que la contrainte éventuellement peut aussi être féconde. Ça pourrait être un autre sujet d’utiliser ce blocage et de voir comment la personne qu’on est peut apporter quelque chose, paradoxalement, de nouveau en fait.

MF : J’étais en train d’arriver à la conclusion que finalement, ce qui donne une identité vraiment très forte d’auteur, c’est à la fois les thèmes qu’on va aborder, les choses que l’on écrit, et aussi finalement celles qu’on n’aborde pas. Et que finalement ne pas aborder un thème peut être fait de manière créative et finalement définir une identité très forte

LD : Tout à fait. Mais à partir du moment où il y a – à mon sens – cet apport à la conscience. Cette réflexion de se dire, et c’est de toute façon intéressant de se poser la question « pourquoi est-ce que je ne vais pas là ? ». Je ne suis pas obligé d’y aller, mais éventuellement s’y frotter, ou en tout cas se poser la question, peut à mon avis faire progresser l’auteur.

On arrive au terme du temps imparti, petite citation pour terminer ?

MF : Citation de Ivo Andric qui nous dit « les mots les meilleurs sont ceux que nous cherchons en vain »

Jingle : C’était Procrastination, merci de nous avoir suivis. Maintenant assez procrastiner, allez écrire !

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