Vous lisez Procrastination : S04E02 – Le rapport signal-bruit des dialogues

S04E02 : Le rapport signal-bruit des dialogues

(Transcription : Symphonie ;

Relecture et corrections : Umanimo)

Les liens vers l’épisode S04E02 : Script : Télécharger / Audio : Youtube ; Elbakin

Liste des Episodes transcrits

Débat complexe sur une notion difficile à cerner aujourd’hui : le lien entre l’information transmise par le dialogue, tant pour la narration que la caractérisation, et la place qu’on réserve à ces échanges. Lionel met en avant le fait que l’expression seule, peut être très éloquente sur le rapport au monde d’un personnage. Mélanie argue que cela se sent, à force, et que plus que pour le reste de la narration, ce qui « accroche » dans un dialogue apparaît clairement à la relecture. Estelle propose un vibrant plaidoyer sur la place que peut prendre le dialogue en littérature, sur le plaisir des longues tirades et des échanges, ce que le scénario permet beaucoup moins. (Blog de Lionel Davoust)

Et dans la suite de l’article la transcription de l’épisode. N’hésitez pas à intervenir dans les commentaires pour évoquer votre expérience !

Vous écoutez Procrastination, Saison 4 Épisode 02 :

Le rapport signal-bruit des dialogues

Podcast sur l’écriture en 15 minutes.

Parce que vous avez autre chose à faire.

Et qu’on n’a pas la science infuse.

Avec les voix de : Mélanie Fazi, Estelle Faye, et Lionel Davoust.

Lionel Davoust : Le dialogue, c’est souvent désigné comme un pan vital, car c’en est un. Il faut que ce soit efficace, qu’il y ait de la tension narrative, qu’il y ait de l’information, qu’en même temps que ce soit concis… Oh, mon Dieu ! Ça fait tellement de trucs à la fois !

Alors, on a déjà parlé un peu des dialogues, notamment un épisode sur les conseils de survie pour les dialogues, donc vraiment des armes de base – ou les outils de base, ne soyons pas si belliqueux – là, on va vraiment s’attacher à l’aspect concis et l’aspect efficacité, l’aspect tension des dialogues. C’est-à-dire, en gros, comment faire un dialogue qui transmette de l’information au sens large ? C’est-à-dire : ça va de montrer l’univers, mais on en a un peu parlé, en général, le dialogue sert plutôt plus à exposer les personnages. Mais donc comment transmettre de l’information ? Comment être informatif et appliquer la concision en même temps ?

Mélanie Fazi : Vaste programme.

LD : Moi, j’ai envie de commencer par dire que déjà, le dialogue – c’est un peu un rappel de base – est là pour nourrir l’illusion de réalité. C’est-à-dire qu’on ne retranscrit pas dans la littérature, bien sûr, le dialogue tel qu’on parle au quotidien, parce que là, ne serait-ce ce que je viens de bafouiller vaguement, ça serait ultra barbant dans un bouquin. Donc, les gens ne parlent pas dans les romans comme ils parleraient dans la vie réelle. En plus, l’auteur choisit ce qu’il va montrer. C’est quelque chose qu’on avait déjà un peu abordé, il y a un choix de réplique, un choix d’informations, il y a un choix de ce qu’on montre.

Je vous invite à regarder par exemple, n’importe quelle série, par exemple, américaine, jamais les gens ne se disent bonjour, jamais les gens, même, ne n’abordent normalement. On a toujours, par exemple James Bond, qui vient s’asseoir en face de la fille et qui fait : « Mmm ! cette margarita a été récoltée sur les coteaux du beaujolais. Sentez-vous cette odeur tourbée ? » Et elle lui répond avec un truc tout aussi sibyllin. Le dialogue s’engage comme ça, en général, vous ne faites pas ça comme ça si voulez pas terminer avec la margarita dans la tronche. Mais ça fait partie des jeux de la fiction – et à travers cette espèce d’exemple complètement pourri que je viens de donner –, mais ça vous pose un rapport, ça vous pose un rapport avec les personnages. Et c’est très intéressant, par exemple, de regarder pour moi les séries américaines, et pour moi, par exemple, une série qui s’appelle Person of Interest[1], qui est un exemple royal là-dedans, le pré-générique des séries qui sont censées être épisodiques, donc pas forcément « binge-watchées » – donc vues en en succession – les Américains sont extrêmement forts pour ça. Avec deux échanges de répliques qui vous placent le rôle des personnages en deux mots, deux manières de s’exprimer, deux échanges, et on a tout de suite compris qui sont les personnages, et boum c’est parti.

MF : Moi, j’ai tendance à dire… En fait, j’ai beaucoup réfléchi à ça avant l’épisode et je me rends compte que les dialogues, pour moi, c’est comme énormément de choses dans l’écriture, ce n’est pas quelque chose de très travaillé ou très réfléchi à l’avance, et ça dépend énormément du fait que je connaisse le personnage ou pas. Et j’écris des dialogues très efficaces si j’entends vraiment très, très précisément la voix du personnage. J’ai vraiment besoin de quelque chose comme ça, de la même manière que pour donner des informations comme ça en passant, il semble nécessaire d’avoir une bonne connaissance des enjeux, de l’univers, de tout ça en arrière-plan. Et un moment donné, les dialogues se construisent à partir de tout ça, sans nécessairement passer des heures à dire « je vais tirer dans ce sens-là, tiens, je vais placer ce truc-là à ce moment-là ». Et je ne sais pas pour vous, mais les dialogues, j’ai tendance…

Tu parlais de la concision, de comment on insiste sur la concision, pour moi, ça se fait beaucoup en laissant reposer, en prenant du recul et en relisant, et là, on sent tout de suite, encore plus que dans la narration, ce qui dépasse.  Si un dialogue ne marche pas, ça se sentira beaucoup à la relecture. Donc du coup, en écrivant un dialogue je ne suis pas focalisée sur la concision, parce que tout ça pour moi, j’arrive après avec mes ciseaux et je coupe ce qui dépasse.

Estelle Faye : Alors moi, c’est que le 2ᵉ épisode où je suis là et je vais déjà contredire Lionel…

[rires]

LD : Parfait ! C’est ça qu’on veut !

EF : Parce que tu as commencé en parlant de la concision dans les dialogues, et je ne suis absolument pas convaincue qu’elle soit si nécessaire que ça, désolée.

LD : C’est vrai, c’est ma faute. Je suis parti sur la concision, en fait, l’épisode et le titre de l’épisode est mieux formulé, c’est le rapport signal/bruit.

EF : Parce que comme je disais dans l’épisode précédent, le scénario m’a appris à écrire avec peu de dialogues, ou en tout cas, à essayer d’écrire avec le minimum de dialogues possible pour faire passer un maximum de choses par l’image. Mais justement aussi, ce que ça m’a montré cette expérience, en tentant par moment de l’amener dans le monde littéraire, c’est que ce n’était pas la seule manière d’écrire un livre, voire que c’était limité quand on écrivait un livre.

Donc quand je me suis lancée dans mon premier roman – je sortais d’une école de scénario – et j’envoie mon premier chapitre à un très bon directeur de collection qui le descend complètement – et il avait raison – notamment parce qu’en fait, j’écrivais en scénariste alors que c’était du roman. Et un dialogue de scénario – ou les dialogues de séries télé dont tu parlais, par exemple – en fait, il est sous-tendu par plein de choses. C’est-à-dire qu’il va déjà y avoir le visage du personnage qu’on voit à l’écran, le jeu de l’acteur, l’intention qu’il va amener, le montage… Bref, une réplique dans un scénario, ce n’est pas quelque chose qui va fonctionner en dialogue de roman. Ça, c’est une des premières leçons que j’ai appris, que j’ai appris à la dure, mais c’était bien.

Après, évidemment, dans le roman il y a plein de choses autour qui nourrissent le dialogue, mais ça ne fonctionne pas pareil, encore une fois, parce qu’il n’y a pas cette immédiateté de toutes les couches que le jeu d’acteur, la mise en scène, etc. vont apporter au dialogue. Donc vraiment, je ne suis pas sûre qu’un dialogue doive forcément être concis déjà, je ne pense vraiment pas qu’un dialogue de série télé, ça puisse s’appliquer dans un roman, au contraire. Et puis par moments, se laisser emporter par un immense dialogue, donc par des superbes joutes verbales entre les personnages – je pense par exemple à une très bonne série qui s’appelle La Fureur de la Terre[2], où il y a de très belles joutes verbales entre les personnages, désolée.

Voilà, c’est un plaisir en soi, il y a un plaisir du texte, le plaisir des dialogues… Ça, pour le coup, c’est ce que j’amène de ma formation encore d’avant, c’est-à-dire qu’avant j’écrivais du théâtre, je faisais du théâtre. Et pour le coup le théâtre, on a que le dialogue à la base, dans ce qu’on va présenter aux comédiens. Après pareil, ce dialogue va être nourri par les comédiens, par la mise en scène, mais une pièce de théâtre va déjà devoir tenir assez bien toute seule sur quasiment que du dialogue pour pouvoir traverser les mises en scène, voire dans le cas des grandes pièces classiques, traverser les âges en ne tenant que là-dessus, et ça nous montre la force d’évocation du dialogue.

Donc par moments, un très grand dialogue à sublime grande tirade hyper évocatrice, ou justement aussi les tirades de certains personnages dans les univers Lovecraftiens qui racontent les déchéances des villes ou qui racontent le retour des Grands Anciens, on se perd dedans, mais on aime se perdre dedans, et c’est super évocateur. Et cette force-là du dialogue qu’on a donc en littérature, il ne faut pas s’en priver, il faut juste utiliser à bon escient – ou au moins essayer.

MF : Ça peut être le plaisir de la digression tant qu’elle est bien dosée, oui.

EF : Complètement ! Et surtout, de laisser respirer les dialogues, de laisser respirer les textes, et de mettre des répliques qui ne servent pas forcément à grand-chose pour alimenter cet effet de réel aussi, parce que la vie, c’est aussi dire des phrases idiotes qui ne servent à rien ou faire du [pas compris] complètement. Et c’est ça aussi.

MF : C’est marrant parce que tu parlais des digressions, et un exemple qui me venait en cinéma, je ne sais pas pourquoi, c’est Tarantino. Et une chose qu’il a mené à un moment donné, c’est de faire ces personnages de truands qui sont en train de parler de milkshake et de trucs comme ça pendant des plombes, et ça a été beaucoup repris, etc. mais il y avait quelque chose de l’idée qu’on ancre dans une banalité. Alors le dialogue, évidemment, n’est pas réaliste du tout, mais au lieu d’être en train de parler d’une mission ou autre, on va discuter de musique, de cheeseburger et autre pendant dix minutes. Ça peut aussi apporter quelque chose en termes d’univers, en termes d’ambiance ou de respiration.

LD : Merci du coup pour La Fureur de la Terre. J’avoue, vraiment c’est ma faute, quand j’ai utilisé ce terme de concision, le terme de rapport signal/bruit est bien meilleur. Tu parlais de digressions bien dosées, Mélanie, du coup, la notion, finalement, est assez difficile à définir. Qu’est-ce qui est utile ? Et encore, cette notion d’utilitarisme est horrible, parce que c’est qu’est ce qui sert plus exactement le projet ?

MF : C’est très étonnant, l’endroit qui m’a appris ça, c’est en retranscrivant des interviews que j’ai faites. Des interviews en langue française, en fait. Je me suis aperçu que comme tu disais tout à l’heure, ça ne se lit pas comme on parle dans la vraie vie, on est obligé de faire des coupes et il y a une question de rythme. Je me suis aperçue, et j’en étais la première surprise, qu’une interview transcrite ou un dialogue, quelque chose du rythme. Il y a un moment donné, même si tu as des hésitations, des répétitions ou autres, à un moment donné, ça casse complètement le truc ou pas. En tout cas, pour moi, ça fonctionne beaucoup au rythme, en le relisant, c’est ça qui va dépasser ou fonctionner aussi.

EF : Après, sur ce qui fonctionne dans un dialogue, il y a quelque chose que je n’ai pas trop entendu aborder ici – faut dire si je me trompe – et qui est quelque chose que pour le coup, j’ai appris en théâtre par un de mes professeurs à l’American Conservatoire Theater à San Francisco, donc c’est plus dans une vision anglosaxonne des choses, mais c’est vraiment de voir les dialogues – en tout cas au théâtre – comme des successions de prises de pouvoir au cours de la scène, et de jouer aussi autour de ces dynamiques-là. Donc vraiment, au début, c’est A qui a le pouvoir, puis pendant le dialogue, B le reprend, puis A reprend la balle… et c’est toutes ces tensions-là aussi qui vont donner vraiment du rythme, qui vont donner de la tension à une scène.

Au cinéma par exemple – parce que quand même, le ciné c’est bien aussi – c’est ce que fait McTiernan dans Basic[3], quand il filme des dialogues, en fait il monte des dialogues comme des scènes d’action, vraiment. Donc ça, pour le coup, si vous voulez voir ce que c’est qu’un dialogue avec des prises de pouvoir, regardez Basic – déjà, c’est vachement bien, déjà c’est McTiernan – là, vous voyez vraiment comment ça fonctionne.

Et cette manière de fonctionner du dialogue, vu comme des prises de pouvoir successives, ça fait partie des couches de fonctionnement du dialogue que j’ai amenées avec moi dans le roman.

MF : C’est vrai qu’on était en train de parler de ce qui fonctionne dans une réplique et pas tellement de l’effet d’ensemble, et je suis complètement d’accord sur ce que tu dis sur la dynamique.

LD Et là, je m’en veux à mort, ce que j’ai fait quinze ans d’improvisation théâtrale, en improvisation théâtrale il y a exactement cette notion, qui s’appelle le lead, et je n’ai jamais fait le rapprochement, comme un gros naze. Donc ça me rappelle aussi – c’est un truc qu’on avait mentionné dans ce que disait Russell T. Davies, il parlait du dialogue en disant – alors, j’avais cherché la citation, mais je ne l’ai pas retrouvée, c’est toi Mélanie qui…

MF : C’est moi qui avais repéré ça, oui. C’était dans un livre qui s’appelle The Writer’s Tale, qui a un recueil d’échanges entre Russel T. Davies qui est scénariste et producteur, travaillant sur Doctor Who à ce moment-là, et un journaliste qui l’interroge sur sa méthode d’écriture. Il y a un passage qui m’a énormément marquée où il parle des dialogues. Il donne un exemple de mauvais dialogue : on voit des personnages qui se répondent de manière très plate, et là, il démonte le dialogue en disant « mais en fait, là, les personnages sont en train de s’écouter et de se répondre logiquement. Dans la vraie vie, ça ne marche pas comme ça. Un dialogue, c’est souvent deux monologues. On n’est pas en train d’écouter la personne à cent pour cent, souvent, on est en train de réfléchir à ce qu’on va placer derrière. » Et j’ai des scènes de Doctor Who qui me reviennent, notamment la saison quatre, avec Donna en particulier, qui marchent beaucoup comme ça, où les personnages sont vraiment braqués sur leurs idées fixes. La personnalité ressort dans l’interaction au niveau des dialogues, c’est qu’ils ne se répondent jamais à cent pour cent et ils ne s’écoutent jamais à cent pour cent. Et dans la façon dont il explique, j’ai trouvé ça magistral.

LD : Ça rejoint tout à fait ce que tu disais, avec lequel je suis entièrement d’accord, sur le fait qu’un dialogue efficace et qui laisse vraiment – attention ! cochez votre bingo ! – émerger organiquement la nature du personnage. [rires] C’est à partir du moment où effectivement, comme tu le disais, on possède le personnage. Moi, je sais que je possède un personnage quand il commence à s’engueuler dans ma tête et que je suis en train de conduire au feu rouge. Là, je sais, c’est bon, je peux y aller.

Du coup, ce n’est pas une réponse très mécaniste, mais à la rigueur, tant mieux, à mon sens. Comment est-ce qu’on fait pour avoir un dialogue fort qui a une forme de tension narrative ? Ou en tout cas, j’ai presque envie de dire, la voix d’un personnage à l’écrit qui est bien campé, c’est l’équivalent d’avoir un acteur avec une « gueule » au cinéma, il y a ce ressenti-là. Et pour moi, il n’y a pas quatre chemins. C’est : le travailler, ce personnage, ces personnages, travailler leur dynamique, savoir qui ils sont, creuser leur psychologie, écrire leur journal intime, que sais-je encore, n’importe quoi qui permette de le posséder, de l’habiter. C’est un effort. Mais gardez cette chose-là présente à l’esprit quand il s’agit d’écrire, de se dire… Un truc tout bête, mais comment est-ce que Machin répondrait oui à une question ? Peut-être qu’il ne va pas répondre oui, il va dire un truc beaucoup plus personnalisé.

MF : Mais aussi – et là, c’était mon expérience – ma seule expérience de pièces radiophoniques, c’est d’entendre la voix. Quand j’ai entendu la pièce que j’avais écrite adaptée à la radio, j’étais frappé parce qu’il y a un personnage que je sentais mieux que les autres et j’entendais sa voix. C’était une gamine qui parlait de manière très, très gouailleuse, c’était super facile à écrire. C’est la seule qui était interprétée exactement, quand j’ai entendu l’actrice, j’ai entendu la voix que j’avais en tête. Et les autres acteurs, quand je les ai entendus, n’arrivaient pas à s’emparer du texte, parce que je l’avais mal écrit, parce que je n’entendais pas suffisamment les voix. Ça m’a frappé à quel point entendre soi-même la voix, c’est la transmettre aux acteurs derrière, donc je pense que ça peut être transposé à la faire entendre au lecteur.

EF : Juste, si je peux me permettre, il y a quelque chose qui me frappe dans ce que vous dites – même si je suis d’accord avec beaucoup de choses, notamment sur les voix –, et je vais me permettre d’être petit peu en désaccord avec Russel T. Davies – j’ai vraiment peur – mais c’est que ce qui m’intéresse dans un roman avant tout, pour moi, c’est comment les personnages vont se rencontrer, vont se faire changer les uns les autres, comment, vraiment, les interactions entre les personnages vont les faire évoluer, vont les faire changer.

Et là, dans les dialogues, quand même, j’ai l’impression depuis tout à l’heure que vous êtes beaucoup sur comment un dialogue définit un personnage, alors que ce qui va m’intéresser – après c’est complètement personnel, et ça vient peut-être de mon parcours dans le théâtre aussi –, c’est comment, au contraire, un dialogue va faire changer les deux personnages.

Et pour moi, un dialogue qui m’intéresse, qui va me faire vibrer tant à écrire qu’à écouter qu’à lire, c’est un dialogue où les personnages sont dans un état A au début, et ils sont minimum dans un état A’ la fin, voire dans un état C. Et c’est un dialogue où les personnages vont se faire changer les uns les autres. Vraiment. Et ils vont amener de l’évolution chacun à l’autre personnage, et ça va les amener à des endroits où ils n’auraient pas pensé à aller au début. Donc au contraire, ce qui m’intéresse avant tout, dans un dialogue, c’est l’interaction. Après, encore une fois, c’est complètement personnel, bien sûr.

LD : Non, non ! Je suis d’accord avec toi, en fait, là, pour moi, j’étais plus placé sur le fait que finalement – mais tu nous en as fait prendre conscience – le dialogue et l’écriture du dialogue dans un personnage en tout cas au début d’une scène, le dialogue définit l’être au monde, le rapport au monde du personnage quelque part. Et toujours dans cette idée un petit peu utilitariste de rapport signal/bruit, à travers sa manière de s’exprimer le personnage exprime déjà son rapport au monde, il exprime déjà ce qu’il est.

Et c’est d’autant plus passionnant quand ça peut évidemment évoluer, parce que les personnages qui évoluent sont… On a de très bons personnages qui n’évoluent pas, mais je trouve ça plus rigolo quand ça évolue, quand ça change et quand ça surprend. Mais la manière, à travers une phrase, à travers la manière de répondre à une question, à travers la manière de dire bonjour, on peut exprimer des volumes entiers, comme un regard peut le faire dans la littérature ou au cinéma, d’ailleurs. J’étais d’accord avec toi, mais j’étais plus placé – je me rend compte, intellectuellement – sur le fait que la manière de s’exprimer définit en soi déjà le personnage, et ça émerge – héhé ! – de ce qu’il est.

Petite citation pour terminer, alors justement on va convoquer Russel T. Davies à la barre, à travers son essai The Writer’s Tale – traduction maison, parce qu’à notre connaissance, l’ouvrage n’est pas traduit en français – et ce qu’il dit sur le dialogue – alors ce n’est pas ce dont on parlait tout à l’heure, mais une autre vision de sa part – : « Voilà ce qu’est le dialogue. Puiser dans ses marais et ses pulsions, en révéler des aperçus sans jamais révéler de vérité ultime, car elle n’existe pas. Nous sommes bien des choses pour bien des gens et une grande inconnue pour nous-mêmes. »

Jingle : C’était Procrastination, merci de nous avoir suivis. Maintenant, assez procrastiné, allez écrire !


[1] Série dramatique/action/espionnage de Jonathan Nolan, diffusée entre 2011 et 2016 et comptant 5 saisons.

[2] Note de Symphonie : Je suppose que Estelle fait référence à La Fureur de la Terre, 3e tome du cycle Les Dieux Sauvages, de Lionel Davoust,

[3] Thriller sorti en 2003

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