
S04E09 : Narrer la non-fiction
(Transcription : Symphonie)
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Un épisode un peu différent cette quinzaine, pour sortir des sentiers de la fiction et aborder le domaine de la non-fiction, de l’essai, occasion fournie par le livre de Mélanie (Nous qui n’existons pas, éd. Dystopia Workshop). Mélanie, justement, partage son expérience d’écriture en commençant par cerner davantage la notion de témoignage, où le réel rencontre le métier d’écrivain. Lionel déplore le cloisonnement qui existe dans les genres, entre plusieurs séries d’un même auteur : le fossé n’en est que plus grand quand il s’agit de sortir de la fiction pour aborder la non-fiction. Estelle met en avant la réaction alchimique qui peut s’opérer en France entre écriture de soi et écriture des genres, notamment en fantasy. (Blog de Lionel Davoust)
Et dans la suite de l’article la transcription de l’épisode. N’hésitez pas à intervenir dans les commentaires pour évoquer votre expérience !
(A noter que cet épisode n’a pas pu bénéficier de relecture par une tierce personne. N’hésitez pas à me signaler toute erreur ou contresens)
Vous écoutez Procrastination, Saison 4 Episode 09 :
Narrer la non-fiction
Podcast sur l’écriture en 15 minutes.
Parce que vous avez autre chose à faire.
Et qu’on n’a pas la science infuse.
Avec les voix de : Mélanie Fazi, Estelle Faye, et Lionel Davoust.
Lionel Davoust : Un épisode un peu spécial pour parler non pas de fiction, mais justement pas de fiction. Mélanie, à ton grand arc d’écrivaine, tu as ajouté également le corps d’essayiste. C’était l’occasion de passer un peu de l’autre côté du miroir – si miroir il y a, peut-être qu’on va en parler d’ailleurs –, concernant l’écriture, c’est-à-dire sortir des terres de la fiction pour aller plus vers des choses qui sont du domaine de l’essai, au sens large, ou du témoignage. En tout cas, pour poser des premiers mots, mais peut-être qu’il y a des définitions plus précises à apporter.
Mélanie Fazi : Ma définition plus précise, qu’est-ce que la non-fiction ? C’est tout ce qui n’est pas de la fiction. J’ai trouvé Wikipédia qui disait que ça « regroupe l’ensemble des écrits ne relevant pas d’un processus pur d’imagination ou de la fiction ». Après, c’est un terme un peu fourre-tout qui inclut vraiment… On peut avoir aussi bien des essais, des ouvrages journalistiques, des livres de cuisine, par exemple, sont considérés comme non-fiction.
J’ai vu que le terme aurait été a priori… Je ne sais pas s’il a été créé pour, ou si c’est un des premiers livres à porter l’étiquette aux États-Unis, c’est De sang froid de Truman Capote, qui est en fait un livre écrit à partir d’une enquête sur un fait criminel, où il se rend sur place, il interroge les gens, il va rencontrer les criminels en prison, et il écrit un livre qui est extrêmement clinique, très détaillé, et qui est considéré comme à la fois une œuvre journalistique, puisqu’il y a une enquête sur place, et vraiment une œuvre d’écrivain. C’est un livre journalistique écrit par quelqu’un qui jusque-là écrivait de la fiction.
Après, j’ai l’impression que c’est quand même un truc un petit peu fourre-tout, et je m’aperçois qu’en réfléchissant au sujet qui m’intéresse de plus en plus, à la fois parce que j’en ai écrit et en tant que lectrice…
LD : Avec Nous qui n’existons pas.
MF : Voilà, je vais expliquer peut-être le contexte du livre. Mais j’allais dire, je me suis aperçue que dans ce corpus qui m’intéresse, j’ai tendance à inclure aussi des choses comme par exemple les blocs d’écrivain, qui pour moi sont une démarche d’écriture à part entière et pas si éloignée de la non-fiction dans des livres publiés, et même pas si éloignée de la fiction. Ça j’y reviendrai après.
Pour expliquer d’où je parle un petit peu, j’ai écrit des nouvelles pendant… peut-être pas 20 ans, mais plus d’une quinzaine d’années. Et il y a un jour où j’ai dit autour de moi : « mais je suis bloquée, je n’arrive plus à écrire ». Et j’ai mis un moment pour me rendre compte qu’en fait, ce n’était pas du tout que j’étais bloquée, c’est que l’écriture s’était en partie déplacée, et que pendant le moment où je disais que j’étais bloquée, en réalité, j’avais toujours cette impulsion de raconter des expériences sur mon blog. J’écris aussi des chroniques et je m’aperçois que la démarche derrière était la même, finalement.
Et à un moment donné, un livre est sorti, qui est plutôt une sorte de témoignage. Il est sorti sous cette forme parce que les choses avaient à être racontées comme ça. Et je m’aperçois qu’en ce moment, mes envies sont là. Je pense que les gens attendent que je revienne vers la fiction et je sens que, pour l’instant, c’est autre chose, mais j’ai trouvé intéressant à quel point, pendant tout ce temps, je disais : « ah, j’écris plus, j’écris plus », parce que la fiction ne venait pas. En fait, si, si, l’écriture, elle est toujours là, mais elle est protéiforme et je m’aperçois à quel point on a tendance à cloisonner, peut-être.
Je développerai peut-être après, mais je m’aperçois que pour moi, toutes ces démarches-là, mais que ce soit un blog, que ce soit un article, que ce soit une nouvelle ou un texte plutôt témoignage, c’est exactement la même démarche et la même pulsion qui sont derrière.
LD : Il y a un cloisonnement qui est fou, ne serait-ce que… On le voit, c’est plus un phénomène qui existe aux Etats-Unis, mais quand un auteur a un succès avec un univers qui marche bien, il faut qu’il prenne garde, parce que si ça se trouve, il va se retrouver plus qu’à écrire ça toute sa vie, parce que c’est ça qu’on va lui demander. Déjà, sortir d’un univers c’est compliqué, alors ouh ! changer de forme…
MF : Et encore, je me demande si ça dépend peut-être des milieux, parce que je me faisais la réflexion. Moi, j’ai eu à me poser la question, écrivant un témoignage, où je peux le publier, puisque de toute évidence, je ne pouvais pas chez mes éditeurs de fiction qui ont une ligne quand même très spécifique. Je me suis fait la remarque qu’il me semble qu’en littérature générale, chez certains écrivains en tout cas, les deux coexistent sans aucun problème. Et je pensais par exemple à Nancy Huston[1], que je lisais beaucoup il y a une vingtaine d’années. Actes Sud publiait ses romans, ses essais exactement de la même manière, sous le même angle. En tant que lecteur, on lisait de l’un à l’autre sans problème, parce qu’on n’allait pas chercher les essais pour le sujet. On y allait parce qu’on cherchait la voix d’une écrivaine et on aime cette voix dans sa fiction, on la retrouve vraiment à l’identique dans ses essais.
LD : C’est peut-être aussi parce que la littérature blanche a un versant peut-être plus autobiographique, donc qui est plus proche du fait réel – en parlant pas du réel, puisque la littérature blanche parle de la réalité consensuelle, donc elle est réelle ?
MF : Je ne sais pas si c’est en ça, il peut y avoir de ça, j’ai l’impression aussi qu’on a peut-être un… Moi, dans les genres, je suis parfois frappée par le discours qui me gêne un petit peu, de personnes qui vont justement critiquer un peu ce qui se passe en littérature blanche et dire qu’ils vont juste raconter leur propre histoire, alors que nous, on invente des histoires, on fait un effort d’imagination, de création. Et moi, je suis profondément agacée par ça parce que ce n’est pas une petite gueguerre entre deux démarches, les deux coexistent. Et moi, je citais cet exemple de quelqu’un comme Nancy Houston, pour moi, le fait de publier les deux comme ça, c’est de considérer l’ensemble comme une œuvre d’écrivain, on s’intéresse à l’œuvre avant de s’intéresser au format, peut-être.
Estelle Faye : Si je peux juste ajouter deux choses sur les rapports justement entre le lectorat de genre et les œuvres où on met des bouts de soi… Une des choses qui m’ont vraiment fait accrocher à la Fantasy française – sans chauvinisme, mais c’est vraiment la Fantasy qui me parle le plus – c’est que mine de rien, il y a beaucoup d’œuvres où des auteurs mettent beaucoup d’eux-mêmes, de leurs expériences aussi, en faisant une sorte de réaction alchimique qui fait que ça devient de la Fantasy.
Je pense évidemment aux Crépusculaires de Mathieu Gaborit, je pense au sublimissime Cycle du Démiurge de Francis Berthelot, dont le dernier tome brouille vraiment les distances, brouille les frontières entre écrire sur soi, sur lui-même en tant qu’écrivain et écrire dans son monde. Déjà dans notre façon de vivre l’Imaginaire en France, j’ai l’impression qu’il y a un pas qui est fait vers cet effacement des frontières, plus sans doute que dans le monde anglo-saxon.
Et la deuxième chose que je voulais dire aussi, et là c’est plus spécifiquement sur le livre de Mélanie, c’est que, bien sûr c’est un essai, mais aussi ça parle d’écriture, ça parle des rapports entre l’écriture et la vie, et il m’a beaucoup parlé pour ça aussi. Et si vous écrivez, dans ceux qui nous écoutent, ou si c’est des sujets qui vous intéressent, c’est un livre qui m’a fait réfléchir aussi à ma pratique d’écriture, parce qu’on a parfois tendance dans certaines formations, notamment dans le genre, d’avoir d’un côté l’écriture, et puis après on a notre vie à côté. Et justement ce que Mélanie met vraiment en lumière, c’est comment la vie et l’écriture résonnent l’une envers l’autre et comment vraiment les deux sont complètement liées. Et l’évolution de l’une est liée à celle de l’autre et inversement. J’ai l’impression, tu me dis si je me trompe. Et moi, ça m’a beaucoup fait réfléchir sur ma propre pratique d’écriture et c’est très précieux pour ça aussi. Quel que soit ce qu’on écrit par ailleurs, je veux dire.
LD : C’est marrant, parce que des fois c’est une discussion animée que j’ai pu avoir avec certains collègues qui soutiennent, dans l’Imaginaire, que l’écriture peut-être serait presque quelque chose de désincarné par rapport à l’auteur, ce qui me paraît très étranger en ce qui me concerne. Pour moi, l’écriture est évidemment indissociable de la vie de la personne, quelle que soit son écriture d’ailleurs. Ne serait-ce que vraiment à minima, il y a l’esprit du temps qui t’influence sans que tu saches pourquoi ni comment, et tu vas être le reflet d’une certaine époque. Alors, quitte à ce que ce soit le cas, autant s’emparer de la chose, utiliser son existence, non pas forcément se mettre, mais utiliser son existence et son regard et ses questions, comme carburant d’authenticité dans ce qu’on écrit.
MF : Je suis assez d’accord, et tout ce que vous dites me conforte dans cette impression que finalement la frontière n’est pas si nette qu’on veut bien le dire, et que simplement les outils sont différents. Une intuition qui me vient en lisant certains textes plutôt autobiographiques, c’est que je me demande, les écrivains qui m’intéressent le plus sont ceux chez qui justement l’écriture est quasi indissociable de la vie. On écrit parce qu’on n’a pas le choix, et justement pas du tout ce côté désincarné. Et je me demandais si quand on a pris l’habitude de transmettre les choses par l’écriture, parfois quand on a affronté certaines épreuves, ça ne peut passer que par l’écriture.
Et j’avais pensé à un livre qui pour moi a beaucoup marqué sur ça, c’est Ecriture[2] de Stephen King, que je ne trouve pas forcément très intéressant comme manuel d’écriture, mais par contre comme autobiographie, il est passionnant. C’est l’autobiographie de King dans l’acte d’écriture, et notamment il se met en scène après son accident où il a vraiment failli y passer, il a eu des mois de rééducation assez douloureuses, et il explique que ce qui lui a permis de rebondir après son accident, c’est l’écriture. Il s’est remis au travail, physiquement le geste lui coûtais, mais il fallait qu’il le fasse.
Pour partir sur complètement autre chose, un livre que j’ai lu, j’ai lu quelques autobiographies quand je préparais mon propre livre pour regarder un peu comment d’autres ont abordé ça. Il y avait un livre de Delphine de Vigan qui est quelqu’un qui écrit des romans au départ, et qui un jour affronte quelque chose d’impossible à affronter qui est le suicide de sa mère. Sa mère avait une soixantaine d’années je crois et se suicide. Elle décide de creuser l’histoire de sa mère et décide de la reconstituer elle-même pour résoudre cette question, notamment d’un moment dans sa vie qui est fondateur, et qui fait qu’elle est venue à l’écriture. Et j’ai eu la réflexion par rapport à ce livre : pourquoi écrire quelque chose qui ne soit pas de la fiction ? Parce que, quand on est désemparé et qu’on a un rapport vraiment viscéral à l’écriture, c’est le seul moyen.
Et c’est pour ça que j’ai écrit mon livre aussi. À un moment donné, il y a des questions qui ne peuvent se traiter que par l’écriture, si on est quelqu’un qui écrit vraiment avec ses tripes.
LD : Quand je t’écoute parler, je pense à parfois les questions que certains lecteurs posent sur l’écriture de fiction en disant : « mais alors, est-ce qu’il y a un message ? ». Et moi, je suis toujours partant de dire que je n’aime pas tellement la fiction à message parce que je souscris totalement l’opinion d’Orson Scott Card qui disait « si on écrit un pamphlet dans un roman, on se termine avec un mauvais pamphlet et un mauvais roman ».
Les personnages, pour moi, dans une histoire, c’est des expériences de vie et c’est des parcours, et les personnages vont apporter leurs propres réponses. Je sais que j’ai des personnages qui sont diamétralement opposés à ce que je pense dans l’existence, mais ça m’est justement tellement étranger parfois dans des choses d’ailleurs tragiques, voire même carrément toxiques. Mais – c’est mon côté bisounours – je crois quand même, malgré tout, fondamentalement, à un certain potentiel positif de l’être humain. Et c’est cathartique. J’ai besoin de me foutre des fois la tête dans ces modes-là pour comprendre comment l’humanité peut en arriver là, en fait ? C’est une expérience.
Mais oui, c’est une manière de traiter une question qui me gratte et qui me pose en me disant : « comment on peut devenir un fanatique religieux ? Je ne comprends pas et je n’arrive pas à comprendre ». Et la fiction va peut-être m’aider à éclaircir ça et à trouver un peu de paix et à trouver la compassion.
MF : C’est en ça pour moi que les deux se rejoignent, parce que simplement l’outil qu’on utilise n’est pas le même. Je m’intéresse moi particulièrement à la forme de l’autobiographie, que je trouve vraiment super intéressante. L’autobiographie, ce n’est pas juste : je prends ma vie, je la déballe sur le papier. Il faut nécessairement qu’il y ait un axe, qu’il y ait peut-être quelque chose qu’on cherche à transmettre, soit quelque chose qu’on a à transmettre de sa propre histoire, et peut-être cette notion qu’on dit souvent de partir du personnel pour aller vers l’universel. Ou bien on peut faire effectivement le portrait d’une époque.
Parmi les livres, par exemple, que j’avais lus quand je préparais le mien pour regarder comment est-ce qu’on s’attaque à une autobiographie, il y avait donc le livre de Delphine de Vigan dont j’ai parlé. J’avais lu Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir, qui là est vraiment plus des mémoires, dans le sens où elle raconte dans l’ordre chronologique. Il n’y a pas une thématique, c’est vraiment « je vous raconte toute mon enfance ». Et à côté de ça, La place d’Annie Ernaux, qui est un livre qui m’a énormément marquée. C’est un petit livre très court où elle parle de son père, et à travers son père, elle parle vraiment d’une époque et d’un rapport aux classes sociales. Ce que c’est d’être issue de la classe ouvrière à une époque où c’est quelque chose d’un peu honteux, en parler maintenant avec le recul où elle s’est mariée dans la bourgeoisie et elle garde cette espèce de rapport un peu ambivalent à la classe dont elle est issue. Et c’est un livre qui, je trouve, est extrêmement fort. En racontant une histoire personnelle, il raconte énormément de choses sur des questions sociales et sur une époque.
EF : Si je peux juste ajouter deux choses. La première, très bref, on fera un sujet sur lequel je ne suis pas d’accord avec Lionel.
LD : Oh !
MF : Ça arrive.
EF : Ça devenait beaucoup trop consensuel [rires]. Non, ce que je veux dire, ce n’est pas le sujet donc je ne vais pas m’étendre dessus, mais disons, sur tout ce qui est messages en littérature, j’ai beaucoup évolué depuis que j’ai commencé à écrire, et donc là, je pense qu’on pourrait vraiment débattre pas mal sur ce sujet. Mais ça, c’est un autre débat.
Et sur les livres qui parlent de l’écriture, il y en a un qui m’a beaucoup marquée, mais qui m’a aussi beaucoup soutenue. Quand j’ai traversé certaines choses dans ma vie et dit justement, qui pour moi parle de ce que c’est d’être… quelqu’un qui a des histoires dans la tête, qui a envie de créer des choses qu’elles sortent, quand on ne vient pas forcément d’un « endroit où ça se fait ». Et comment est-ce qu’on vit avec ça ? Et c’est Martin Eden, donc le roman plus ou moins autobiographique de Jack London. Pas du tout parce que je me compare à Jack London, mais juste parce qu’il y a des moments où on se dit : « ouais, mais si même Jack London, il est passé par ce genre de questionnement, bon, OK, moi, j’en ai une forme édulcorée, mais quelque part, c’est pas si grave ». Et aussi parce que c’est un super roman. Mais vraiment, sur les rapports entre la vie et l’écriture, s’il y a un roman que je mettrais en avant aussi, c’est celui-là.
MF : Je voulais rajouter un truc sur ce que j’expliquais en fait sur l’autobiographie. Il y a une chose qui me frappe en réfléchissant à non-fiction, c’est à quel point constamment on raconte des histoires. Quand on pense à sa propre vie, on se raconte des histoires. Et je ne sais pas pour vous, mais personnellement, la narration que j’ai autour de ma propre vie a changé régulièrement au cours de ma vie. Et même, j’ai presque envie de dire qu’elle a changé depuis le livre que j’ai écrit il y a deux ans.
Sa propre histoire, ce n’est pas quelque chose de figé, il y a un angle subjectif à chaque fois. Et de ce fait, c’est en ça que ça me semble totalement extrêmement proche des outils de la fiction, c’est dans le sens où : je vais raconter une histoire, j’ai plein d’éléments autour de moi, quels éléments je vais prendre ? comment je vais les emmancher les uns avec les autres ? d’où je pars ? où je dois arriver ? et surtout, qu’est-ce que je raconte et à qui je m’adresse ? Et pour moi, toutes les questions que je me suis posées en écrivant ce texte sont exactement les mêmes que dans la fiction. À aucun moment, je n’ai ressenti : « tiens, je suis dans un format dont je n’ai pas l’habitude ». Peut-être parce que justement, je parlais du blog comme étant une prolongation pour moi d’une démarche d’écriture, et tenir un blog peut-être…
LD : À la base, il me semble que l’exercice de l’écriture, quand on cherche à publier, que ce soit en ligne ou dans un bouquin, c’est quand même de jeter un pont vers un lecteur ou une lectrice qu’on ne rencontrera probablement jamais, mais avec qui on essaie de faire une résonance. Et la première base, me semble-t-il, pour réussir à établir cette résonance, c’est de susciter l’intérêt. Et on suscite l’intérêt comment ? En racontant une bonne histoire, bonne au sens qui va susciter justement l’intérêt. Et une histoire, c’est très vaste, ce n’est pas forcément une histoire de fiction.
Une histoire, c’est aussi les proto-motifs narratifs que l’être humain se racontait dans les cavernes pour essayer d’expliquer le monde. Parce qu’on fonctionne par histoires, on fonctionne par narration, et la mémoire et la manière dont on s’explique le monde reposent sur des histoires. C’est bien pour ça que même encore aujourd’hui, il y a des légendes urbaines qui sont ultra tenaces. C’est parce qu’il y a des trucs qu’on n’explique pas et qu’on a besoin de trouver l’explication du monde. Et ça apparaît, quel que soit le contexte, même aujourd’hui. Et donc, plutôt que de s’en lamenter, je trouve, effectivement, autant célébrer cette capacité merveilleuse de l’être humain, qui est en fait une capacité fondamentale à imaginer et à rêver.
Petite citation pour terminer, une citation d’Antonio Soler qui nous dit, et c’est ma foi un petit peu en rapport : « Tout ce qu’un écrivain produit a sa part d’autobiographie, même s’il s’agit de science-fiction ».
Jingle : C’était Procrastination, merci de nous avoir suivis. Maintenant, assez procrastiné, allez écrire !
[1] Ecrivaine Franco-Canadienne.
[2] Ecriture : mémoires d’un métier (Stephen King, 2000)
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