Vous lisez Procrastination : S04E14 – Décider que c’est terminé

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S04E14 : Décider que c’est terminé

(Transcription : Symphonie)

Les liens vers l’épisode S04E14 : Script : Télécharger / Audio : Youtube ; Elbakin

Liste des Episodes transcrits

Mettre le point final sur une histoire ne marque souvent que le début des corrections… Mais sur des projets que l’on a parfois portés puis construits pendant des années, il peut être difficile de gagner suffisamment de hauteur pour cesser de les retravailler et les déclarer « achevés ». Cette quinzaine, exploration de cette notion : comment lâcher prise ? Pour Mélanie, cela dépend du niveau d’expérience, entre autres parce que les écrivains qui publient ont fréquemment des dates de rendu qui leur forcent la main ! Et elle introduit tout de suite l’importance de la bêta-lecture et du regard extérieur, ce sur quoi Estelle insiste aussi, tout en parlant également de la prise de risque inhérente et parfois nécessaire aux projets artistiques afin qu’ils gardent vie et surprises. Lionel approuve, et insiste sur le raffinement de l’esthétique personnelle de l’auteur – notamment à travers la lecture – pour parvenir à acquérir un semblant d’objectivité sur ses réalisations, au moins en termes de technique, et sur la maturation inhérente à l’être humain derrière la création. (Blog de Lionel Davoust)

Et dans la suite de l’article la transcription de l’épisode. N’hésitez pas à intervenir dans les commentaires pour évoquer votre expérience !

(A noter que cet épisode n’a pas pu bénéficier de relecture par une tierce personne. N’hésitez pas à me signaler toute erreur ou contresens)

Vous écoutez Procrastination, Saison 4 Episode 14 :

Décider que c’est terminé

Podcast sur l’écriture en 15 minutes.

Parce que vous avez autre chose à faire.

Et qu’on n’a pas la science infuse.

Avec les voix de : Mélanie Fazi, Estelle Faye, et Lionel Davoust.

Lionel Davoust : Vous écoutez Procrastination toujours en confinement, donc toujours nos excuses au long terme pour potentiellement certains cafouillis sonores, mais nous continuons à discuter car rien ne nous arrête ! C’est une question qui est arrivée de loin en loin, et notamment sur les forums d’Elbakin. Pour rappel, nous lisons et répondons, et si vous avez des questions, des idées de thèmes, n’hésitez pas à nous en faire part.

C’est une question qui arrive assez fréquemment, qui concerne la difficulté du premier jet et des corrections. C’est-à-dire que quand on écrit un bouquin, notamment parfois son premier bouquin, ça peut prendre des années. Ou certaines œuvres peuvent être sur le très long terme et on se dit parfois à mesure qu’on apprend de ce projet qu’on est en train de faire, on découvre des choses, on peut se dire : « je peux toujours améliorer » ou au contraire « j’ai tellement remanié la matière que je ne vois plus rien ».

Donc comment est-ce qu’on décide que c’est terminé ? Comment est-ce que je sais éventuellement que c’est envoyable ? Ou au moins, comment je m’arrête ? Surtout quand il y a eu des années de travail et parfois d’évolution personnelle. Est-ce que vous avez un avis là-dessus ?

Mélanie Fazi : Je n’ai pas forcément énormément à dire. En fait, je me suis rendue compte qu’il y a deux types de personnalités chez les écrivains, confirmés ou débutants, certains qui vont effectivement avoir l’impression qu’ils n’ont jamais terminé et revenir dessus en boucle, et d’autres qui n’ont pas tellement ce problème. Et moi, je suis la deuxième catégorie, donc je n’ai pas beaucoup réfléchi sur ça, je dirais.

Pour moi, la question est différente selon qu’on est débutant ou qu’on a déjà un peu plus d’expérience, peut-être, voire qu’on travaille avec un éditeur qui nous donne une deadline. C’est peut-être beaucoup plus difficile de se détacher de son texte si on le fait dans le vide, j’ai envie de dire. C’est-à-dire ne sachant pas si on va l’envoyer, à qui on va l’envoyer, s’il n’y a rien qui attend derrière.

LD : Si tu as une deadline, forcément là, je dirais, le monde a choisi pour toi, il y a un moment, il faut décider que c’est fini. Je pense qu’on se case plutôt dans le cas des premiers romans ou des œuvres au très long cours qui n’ont pas forcément d’éditeur. Et je pense, concernant nos poditeurs et poditrices, ça pourrait concerner globalement plutôt des premiers bouquins écrits au long cours.

Alors, comment décider que c’est terminé ? À mon sens, quand on apprend, quand on développe une pratique, une discipline, quelle qu’elle soit, artistique ou autre, et entre autres l’écriture, la compétence augmente et elle va augmenter en rapport avec le recul qu’on a sur son travail. Pour commencer à formuler un jugement dessus, à mon avis, le premier truc va consister à essayer… C’est la pratique qui va informer ça, mais pas que, c’est simplement la réflexion et l’exposition, la consommation de contenus, c’est-à-dire dans notre cas tout simplement lire des bouquins. Ça va consister à élever son regard et son recul sur ce qu’on fait au maximum pour affiner son jugement esthétique, de manière à essayer de l’élever un peu au-delà de ce qu’on fait pour essayer d’arriver à regarder ce qu’on fait et se dire « Est-ce que j’ai fait le boulot ? Est-ce que je suis arrivae au maximum de ce que je pouvais faire et de ma compétence ? » Et là derrière, si la réponse c’est « Ouais, je suis arrivae au maximum de ma compétence », il peut y avoir deux possibilités. Soit je me dis « Ben ouais, mais c’est pas bien ». Ou alors je me dis : « Bon bah effectivement, ça peut faire le café, j’ai à peu près fait le truc donc je peux le montrer au vaste monde, je peux l’envoyer à des bêtas lecteurs, je peux éventuellement l’envoyer à des éditeurs ».

Mais si ça ne fait pas le café… J’ai un cas qui est le bouquin Port d’Âme, où en fait, mon manuscrit est resté dans mes tiroirs pendant huit ans, parce que l’histoire à mon sens était trop complexe pour le niveau de compétences que j’avais. Ça ne voulait pas dire que je ne pouvais rien faire d’autre. J’ai écrit des bouquins, j’ai publié une trilogie de thrillers, et autres trucs avant d’arriver à publier Port d’Âme. Mais il a fallu huit ans de maturation et huit ans d’apprentissage pour que j’arrive à réussir à traiter ce projet qui, à mon niveau de compétence à l’époque… Non pas parce qu’il y a des projets qui sont plus difficiles dans l’absolu que d’autres, c’est juste que par rapport à la personne que j’étais, à mes compétences et à mes angles morts personnels à moi, ce projet-là n’était juste pas tout à fait à ma portée. Il a fallu que je murisse pour arriver à le faire.

Donc si c’est le cas, je pense qu’il faut aussi savoir, à ce moment-là, faire autre chose. Parce qu’il y a un stade où on a tellement corrigé, tellement essayé de remanier une matière, qu’elle ne va plus forcément avoir à nous apprendre grand-chose. Et c’est en faisant autre chose, c’est en vivant, c’est en se confrontant à d’autres projets que peut-être on va acquérir la hauteur qui va permettre de revenir plus tard à ce projet-là. À un moment, il faut, je pense aussi, savoir lâcher prise, non pas pour décider que ce bouquin-là est terminé, mais peut-être pour décider que ce bouquin-là, il a besoin de quelques années d’incubation. En fait, ce n’est pas le bouquin qui a besoin de quelques années d’incubation, c’est l’auteur.

MF : Pour moi, il y a une chose qui intervient beaucoup aussi dans la capacité à lâcher prise sur le projet et à prendre du recul, pour moi, c’est le regard extérieur. Et je pense qu’il faut apprendre à s’y confronter assez tôt en faisant lire au moins à ses amis, sa famille, bêta lecteurs etc. Au minimum par des proches. Parce qu’il y a un moment donné où justement ce que tu disais : « est-ce que j’ai fait le boulot ? ». Il y a un moment donné, on ne peut pas s’en rendre compte tout seul. Et on peut être très surpris dans un sens ou dans l’autre – en bien ou en mal j’ai envie de dire – par ce qu’on a réellement produit par rapport à ce qu’on pensait.

Et moi, j’ai le souvenir, en débutant, d’avoir énormément d’insécurité sur « j’y arrive pas, j’y arrive pas », et être très surprise par les retours très positifs que j’avais reçus, qui finalement m’ont aidée à avancer. Y compris à un moment donné, d’un retour positif d’un professeur que je considérais comme ayant un regard très exigeant, et qui fait que j’ai soumis mes textes, en fait. Et il y a des choses comme ça, je pense qu’on ne peut pas faire l’économie, à un moment ou à un autre, de passer par un regard extérieur ou par plusieurs, d’avoir un échange, de dialoguer, mais à un moment donné, on ne peut pas être tout seul avec le texte indéfiniment.

Estelle Faye : Si je peux rebondir sur 2-3 trucs que vous avez dit, déjà je suis tout à fait d’accord sur le regard extérieur dont parle Mélanie. Moi, par exemple, décider que les corrections sont terminées, c’est par exemple quand le bêta lecteur arrête de hurler chaque fois qu’il reçoit une page. C’est un bon signe aussi.

Après, oui, effectivement, il y a aussi deux sortes de projets dans mon expérience, et pas simplement quand on est débutant, en tout cas pas pour moi. C’est-à-dire, il y a les romans où c’est le bon moment pour les écrire, je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit Lionel. Il y a un bon moment pour chaque roman. Il faut aussi arriver à le reconnaître. Je pense que ça vient avec l’expérience aussi.

Après, pour moi, ce moment, ce n’est pas quand je suis sûre de pouvoir faire ce roman. C’est quand le roman est juste un peu au-dessus de ma portée. Et c’est là qu’il faut s’y lancer. En tout cas, pour moi, dans ma façon de faire, il faut qu’il y ait ce côté saut dans le vide, c’est ça qui va faire que mon manuscrit va vivre encore. Il faut qu’il soit juste un peu au-dessus de ma portée.

Et puis, il y a les romans au long cours. Et moi, il y a un projet sur lequel je travaille depuis des années. J’ai essayé de le reprendre il y a quelques temps, mais ce n’était pas encore le bon moment pour plein de raisons. Et j’ai l’impression, pas que des raisons de compétence aussi, en tout cas, dans ma manière de faire, il faut qu’il y ait des résonances avec mon parcours de vie, mon expérience. Je ne sais pas comment le dire sans faire trop « gourou New Age ». Mais voilà, c’est vraiment ça.

Et là, là où j’en suis dans ma vie personnelle, ce n’est pas le bon moment pour écrire ce projet, pour plein de raisons. Et donc j’ai essayé de le reprendre, mais ce n’était pas le bon moment. Il y en a d’autres qui devaient s’écrire avant, donc il est repassé dans les tréfonds de mon ordinateur. Voilà, donc savoir reconnaître le bon moment pour faire un projet c’est tout à fait ça.

Après, je vois aussi quelque chose notamment quand je parle avec des jeunes auteurs, et comme là on disait notamment que ce podcast peut intéresser des auteurs qui sont en train d’écrire leur premier roman. Sans deadline, sans rien, il y a la tentation de la correction infinie, de toujours, toujours corriger un projet, de revenir, de revenir, jusqu’à ce qu’on dénature le projet, jusqu’à ce qu’il ne ressemble plus à rien. Et vraiment quelque chose qui je pense est intéressant au moins, voire important, voire essentiel, c’est d’apprendre à faire le deuil du roman parfait qu’on fantasme. Parce que le roman existant, ce n’est pas un roman parfait.

Et j’ai eu une expérience, c’était mon scénario de fin d’études dans mon école – j’ai fait une école de cinéma en scénario La Fémis. Le scénario que j’ai écrit juste avant mon scénario de fin d’études, pour moi, c’est sans doute le meilleur scénario que j’ai écrit pour le moment. Et après, j’ai fait mon scénario de fin d’études. Donc là, on passait une année sur un scénario, on avait plein d’intervenants qui venaient dire des trucs dessus et tout. Donc on corrigeait, on recorrigeait, on rerecorrigeait le scénario avec plein de points de vue différents. Et le résultat, c’est qu’au bout d’un moment, mon scénario ne ressemblait plus à rien, et c’est l’un des pires scénarios que j’ai écrits, parce qu’il y avait tous ces avis divergents.

Et on voit ça dans certains scénarios de films. Je pense qu’on a tous des exemples de films ou de séries en tête, où il y a des pools de scénaristes énormes, mais justement, il y a eu trop d’avis divergents, donc ça ne ressemble plus à rien. Donc, c’est aussi le scénario où on veut plaire à tout le monde : il faut qu’il y ait ça pour la ménagère de moins de 50 ans, il faut qu’il y ait ça pour les ados, il faut qu’il y ait ça pour les spectateurs qui vivent en banlieue, et ça pour les spectateurs qui vivent à la campagne, et ça pour les spectateurs qui vivent au fin fond d’une montagne.

Il y a vraiment cette tentation-là, notamment quand on est dans ses premières œuvres, de vouloir absolument mettre tout le monde d’accord ou de vouloir toujours continuer à corriger parce qu’on a l’impression qu’on peut toujours rajouter un truc, qu’on peut toujours faire mieux. Et une des choses que j’ai dû apprendre et que j’ai appris à la dure, notamment dans cette dernière année d’école, c’est de dire : à un moment, il faut que je sache quelle est vraiment l’identité de mon histoire.

Ça, j’en ai déjà parlé dans d’autres épisodes, mais pour moi, c’est vraiment essentiel de connaître l’ADN, l’identité de mon histoire et de me dire : ouais, mais là, l’identité de mon histoire, on la voit dans les corrections. L’essentiel de ce que je veux mettre, ça y est, il est dans mon roman. Et il n’est pas parfait parce que de toute manière, ce n’est pas moi qui vais faire un roman parfait, déjà personne ne le fait. Et puis de toute manière, sinon je n’enverrai pas un éditeur parce qu’il n’aurait rien à ajouter dessus. J’ai fait le roman le plus pertinent possible, le roman le plus sincère possible, celui qui correspond le mieux à ma vision des choses à cet instant, et maintenant, j’arrête de le corriger. Parce que si je le corrige, je ne risque que de le dénaturer. Et de se dire : voilà, là c’est ce que moi j’ai pu faire de mieux à cet instant.

Et après, je l’envoie à l’éditeur qui, de toute manière, rajoutera sa couche de corrections, etc. Et je pense qu’on en parlera dans un prochain épisode aussi, mais j’essaye toujours de partir avec l’éditeur qui va avoir la même vision du roman et la même vision du projet que moi. Pour vraiment ne pas perdre ça de vue et pour ne pas dénaturer un projet à force de le corriger. Faut aussi savoir mettre un point.

C’est vrai qu’il y a, et c’est très bien, de plus en plus de gens qui effectivement considèrent l’écriture comme un travail, et je trouve ça super cool, mais peut-être l’une des exagérations, c’est de se dire : « de toute manière, corriger, c’est bien en soi ». Non, ce n’est pas bien en soi, il y a un moment, faut savoir arrêter les corrections aussi.

MF : Il y a une chose sur laquelle je voulais rebondir, c’est que je me demande – je ne suis pas sûre, mais c’est une question–, si ce n’est pas quelque chose qui peut évoluer aussi avec l’expérience. C’est que je me rappelle, moi, comment sont mes premiers textes, j’avais tendance à beaucoup les reprendre pour les remanier en termes de forme, c’est-à-dire que j’étais dans un apprentissage de la forme, comment ça marche, qu’est-ce que je peux faire, qu’est-ce que je peux essayer. J’ai repris parfois certaines nouvelles entièrement du début à la fin pour les remanier complètement, et c’est quelque chose qui m’a complètement passé après. Je pense que c’est peut-être en partie… Moi, ce n’est pas une question de deadline ou pas, c’est le fait qu’on commence à mieux maîtriser les outils, on commence à mieux sentir ce qui marche ou pas, à mieux savoir de quoi on est capable et à savoir ce qui marche, et je m’aperçois que je suis passée à l’inverse extrême, c’est-à-dire que je corrige finalement assez peu, et je me lasse très très vite d’un texte, et au bout de quelques relectures-corrections, il faut absolument qu’il passe à un bêta-lecteur, parce que là j’en peux plus de le voir. Mais j’ai une espèce de certitude que j’ai acquis une maîtrise suffisante pour qu’il y ait à peu près une forme qui fonctionne, ce qui n’était pas le cas quand je débutais.

LD : Tout ce que vous dites m’inspire vraiment une phrase de Steve Jobs, même s’il faisait de la technologie, il avait une phrase très simple, il disait – je vais la dire en anglais parce qu’elle fonctionne beaucoup mieux, mais j’essaierai de la traduire après – : « Real artists ship ». Les vrais artistes livrent. Ils livrent, ils envoient, ils décident que c’est fait et ils passent au truc suivant.

Effectivement, vous parliez très justement du mythe du roman parfait. Des fois, il y a cette espèce d’idée comme quoi on joue sa vie sur le bouquin. Et c’est vrai, on joue sa vie sur chaque bouquin. Mais il faut aussi, à mon sens, se rappeler que l’écriture, c’est aussi un voyage et c’est un apprentissage qui est constant sur lui-même et qui dure la vie entière. Parfois, dans le perfectionnisme, je me demande s’il n’y a pas cette espèce de crainte comme quoi les idées sont rares. Et si je ne fais pas ce bouquin de manière parfaite, de toute façon, je n’ai qu’un bouquin en moi.

Et parfois, c’est vrai, quand on commence, on se dit : « C’est tellement long d’écrire. Est-ce que je ne vais jamais réussir à en écrire un deuxième ? ». Mais on évolue. La vie est longue et on aura plein de nouvelles idées et on aura plein de nouvelles envies. Et même si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave. Mais à un moment, sans vouloir effectivement entrer dans une horrible vision très utilitariste des choses, mais dans l’industrie, il y a la notion du livrable. À un moment, il faut livrer, il faut lâcher prise, et il y a d’autres projets qui nous attendent. Et ce sont surtout, en fait, je pense… J’aime beaucoup ce que tu dis, Estelle, je fonctionne un peu pareil que toi sur le fait que j’aime sentir qu’un bouquin, il est juste au-delà de ma portée, parce que c’est là que je vais me mettre en danger. Je crois que je l’ai mentionné avant, c’est comme en improvisation théâtrale. Quand on se met en danger, on va sortir des trucs qu’on ne pensait pas qu’on avait. Et c’est là que c’est intéressant, c’est là qu’est la personnalité, c’est là qu’il y a les aspérités. Alors évidemment, il faut exécuter correctement, mais c’est dans la personnalité que va se trouver l’intérêt d’un bouquin. Et donc, c’est ces nouveaux projets qui nous attendent, c’est ces nouvelles difficultés qui vont nous donner les nouvelles leçons, les nouvelles cordes., Et il faut le reconnaître, il faut y aller avec un maximum de joie et de sourire si possible.

EF : Et puis je pense qu’il faut aussi se souvenir de nous, qu’est-ce qui nous a touché en tant que lecteur ou en tant que lectrice ? Est-ce que ce qui nous touche dans un bouquin, souvent, c’est le fait qu’il soit parfait ? Je ne sais pas pour vous, mais moi, les romans qui m’ont touchée, ce n’est pas parce qu’ils étaient parfaits. Déjà, qu’est-ce que ça veut dire un roman parfait ? Je ne sais pas. Mais ils m’ont touchée parce qu’il y avait des personnages, parce qu’il y avait des émotions, parce qu’il y a des scènes dont je me souviens encore. Juste, rien que de m’en souvenir, voilà, il y a quelque chose. Donc c’est aussi, disons, toujours se demander : pourquoi on écrit ? Qu’est-ce que nous, on aime en tant que lecteur ? Et pas simplement : je vais encore faire la correction de plus parce que c’est bien en soi.

LD : Rappelons-nous aussi – tu parlais des romans qui nous ont marqués – rappelons-nous aussi, et je pense qu’on est très nombreux à avoir fait l’expérience, de rouvrir des bouquins qui nous ont marqués quand on était ado ou plus jeune et on se dit « ohlala !  j’aurais jamais dû ! ». Et le roman « parfait », il touche vraiment – avec tous les guillemets du monde, je dis ça exprès –, le roman « parfait », il touche la personne qu’on est à un moment donné et la personne qu’on est à ce moment-là, elle ne sera plus là dans un an.

Je crois que c’était Hemingway qui disait : « Il faut écrire la phrase la plus vraie qui soit en cet instant ». Et puis après la suivante, on écrit la phrase la plus vraie, et on ne fait que ça. Mais il faut reconnaître à quel point cette cible est mouvante et impalpable. Et quel est notre compas à ce moment-là ? Pour moi, tu l’as évoqué, Estelle, justement, c’est cette connexion viscérale avec l’enthousiasme d’origine. Et si jamais j’ai tellement réécrit que je ne reconnais plus rien, que je suis en train d’écrire un nouveau bouquin sur le chantier de l’ancien, c’est le signe qu’il faut en écrire un autre, qu’il faut écrire celui-là.

EF : Pas mieux.

LD : Petite citation pour terminer ?

EF : Donc, citation de Picasso : « Terminer une œuvre, achever un tableau, quelle bêtise. Terminer veut dire en finir avec un objet, le tuer, lui enlever son âme ».

Jingle : C’était Procrastination, merci de nous avoir suivis. Maintenant, assez procrastiné, allez écrire !

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