
S04E15 : Tell, don’t show
(Transcription : Symphonie)
Les liens vers l’épisode S04E15 : Script : Télécharger / Audio : Youtube ; Elbakin
Un épisode dynamique et vivifiant (toujours enregistré en confinement) cette quinzaine tandis que les trois auteurs partent loin, et même avec une pointe de véhémence, dans l’exploration de la dramatisation contre l’information, du tell contre le show (mais est-ce bien une opposition ?). On dit toujours « show, don’t tell » (montrez, ne dites pas) – qu’en est-il de l’inverse ?
Mélanie considère en effet que ce conseil classique est trop mécanique, considéré trop universel, et qu’il n’exclut pas les autres formes de narration. Pour Estelle, au-delà du « show, don’t tell », c’est l’incarnation dans un roman qui est fondamentale ; elle s’oppose même à une certaine affection médiatique actuelle pour une littérature considérée comme « exigeante », quand ménager profondeur du discours et narration prenante lui semble un idéal à la fois plus élevé dans la fiction et difficile à réaliser. Lionel met l’accent sur le fait qu’entre tell et show, tout est choix esthétique de le part de l’auteur, tout est, d’une manière ou d’une autre, une certaine forme de dramatisation – tout en adhérant à l’idée que la fiction se doit d’abord de raconter une histoire, et que les racines de l’imaginaire sont populaires. (Blog de Lionel Davoust)
Et dans la suite de l’article la transcription de l’épisode. N’hésitez pas à intervenir dans les commentaires pour évoquer votre expérience !
(A noter que cet épisode n’a pas pu bénéficier de relecture par une tierce personne. N’hésitez pas à me signaler toute erreur ou contresens)
Vous écoutez Procrastination, Saison 4 Episode 15 :
Tell, don’t show !
Podcast sur l’écriture en 15 minutes.
Parce que vous avez autre chose à faire.
Et qu’on n’a pas la science infuse.
Avec les voix de : Mélanie Fazi, Estelle Faye, et Lionel Davoust.
Lionel Davoust : On a un épisode sur le « Show, don’t tell », et au fil des saisons, on a quand même largement mis en avant le fameux conseil « Show, don’t tell », qui vient donc de l’anglais et notamment des écoles américaines, où il s’agit en substance de « montrez, ne dites pas », donc plutôt faire ressentir, démontrer, dramatiser, mettre en scène, plutôt que juste relater les choses.
Mais il paraît qu’aucune admonition n’est universelle, sauf peut-être celle-là. Donc là, on s’était dit qu’il serait peut-être intéressant, justement, de voir en quoi le fameux conseil « Show don’t tell » tombe à court, en quoi il peut être contre-productif, on va parler de l’inverse.
Alors, est-ce que l’admonition « Show don’t tell » est universelle ou pas ? Et y a-t-il des moments où il vaut mieux dire plutôt que montrer ?
Mélanie Fazi : Je n’ai pas réécouté l’épisode, mais il me semble qu’on était tombés d’accord pour dire que c’était loin d’être universel et que les deux cas de figure étaient valables en fait.
LD : Nous sommes trop prudents.
MF : Voilà. J’ai le souvenir qu’on était partis en s’attendant à ce qu’il y ait un consensus sur le « Show, don’t tell » et qu’on s’était rendu compte qu’on était tous au moins en partie sceptiques. Moi la première d’ailleurs. Je trouve que c’est un conseil que je trouve beaucoup trop schématique.
Estelle Faye : Alors, moi je n’étais pas là dans l’épisode précédent, je l’ai écouté, mais je n’ai pas participé. Disons que cette question me fait réfléchir un peu sur les implications du « Show, don’t tell » et surtout de l’inverse. Parce que oui, « Show don’t tell », c’est vraiment l’anglicisme. Maintenant, plutôt que « Show don’t tell », il y a une chose que je mettrai en équivalent un peu français, après vous me corrigerez peut-être, mais dans ma pratique, ma manière de voir les choses, c’est vraiment l’incarnation, c’est vraiment la vie dans un texte. Et pour moi, il faut que ça vive, et si c’est pour donner des informations… Je veux dire, j’adore lire les bouquins documentaires, mais je les ai pour ça. Donc, pas tant « Show don’t tell » au sens anglicisme, mais le fait d’incarner un texte, d’avant tout faire vivre les personnages et un univers, et non pas lâcher des informations brutes, c’est pour le coup l’un des rares essentiels peut-être de ma pratique d’écriture et l’une des rares choses que je vais vraiment chercher partout en tant que lectrice dans un roman, et pas dans un documentaire par ailleurs, mais j’ai beaucoup de documentaires et j’adore ça.
MF : En fait, j’ai l’impression que les deux conseils sont valables dans certains contextes, mais que de toute manière… Je me vois mal écrire un bouquin avec entièrement l’une ou l’autre approche, ce n’est pas deux choses qui sont mutuellement exclusives. Ça peut être des moments… Il y a un livre qui m’était venu, qui m’avait marquée, qui était un exemple pour moi de « Tell, don’t show » que je trouvais intéressant. C’est un roman de Nancy Huston qui s’appelle Dolce Agonia, où on a une situation avec des personnes qui sont dans une maison et tout ce qui se passe d’interactions entre ces personnes racontées de manière très… Comment dire ? Justement montrées plus que racontées. Et on avait des intermèdes entre les chapitres où à chaque fois, elle s’attardait sur un des personnages et elle nous racontait de manière beaucoup plus distanciée comment plus tard ce personnage allait mourir. Et c’était une espèce de leitmotive. Et ce qui faisait la force de ce roman, c’est précisément qu’on avait l’alternance entre les deux.
Disons que j’ai un problème quand on entend souvent, pour avoir eu ce type de conseils sur mes propres textes, quelqu’un m’avait dit à un moment donné : ça, c’est trop raconté, il faut davantage l’incarner ». Et je me rappelle avoir pensé : mais il ne faut pas non plus qu’on tombe dans l’excès. Il y a des moments où, sur un plan narratif, c’est très intéressant aussi de raconter les choses de manière plus… plus libre finalement. Moi, j’associe le « Tell don’t show » à des moments de liberté par rapport à une espèce de dictat presque de l’action. Comment dire… Il y a des extrêmes dans lesquels il ne faut pas tomber, pour moi, il y a un équilibre entre les deux à trouver.
EF : Après, pour moi, l’exemple de Nancy Huston que tu donnes, c’est clairement pour moi encore un exemple d’incarnation simplement qui joue sur des modes différents. C’est-à-dire que l’incarnation, ce n’est pas forcément faire des trucs pleins d’émotions, de grandes scènes d’action et tout, ça peut jouer sur des trucs qui soient au contraire dans du détaché, dans du désincarné. Disons, il y a peut-être quelques années, j’aurais questionné à fond le « Show don’t tell », en tout cas j’aurais questionné plus que maintenant, j’aurais plus remis en cause.
Mais ce que je vois arriver aujourd’hui – alors, là c’est le moment où je vais peut-être pas mettre tout le monde de mon côté parmi les lecteurs qui nous écoutent, donc je suis désolée par avance –, mais ce que je vois arriver aujourd’hui, notamment en SF, c’est qu’il y a toute une tendance de la SF, qui pour moi est beaucoup trop mise en avant, qui est justement une tendance du « Tell don’t show », d’une Science-Fiction désincarnée, où il faut bien montrer toutes les idées qu’on met derrière, il faut bien montrer tout le boulot de documentation qu’on a fait, il faut bien montrer qu’on est… Alors c’est un mot que je vois arriver de plus en plus, notamment dans les articles de journaux généralistes qui parlent d’Imaginaire, et je déteste le sens qu’il a aujourd’hui : c’est qu’on fait de la littérature exigeante. Et pour moi, l’un des romans représentatifs de ça, je sais qu’il y a beaucoup de gens qui l’ont aimé donc je suis d’avance désolée, mais c’est Trop semblable à l’éclair[1], c’est un bouquin qui est un cours de philosophie. Sans doute très bien fait, mais c’est un cours de philosophie. Et dire que ça, ça doit être l’acmé de la SF, que c’est la SF qui va avoir le plus de représentation dans les médias traditionnels, qui va être vraiment vue comme une sorte d’idéal à atteindre, ça commence vraiment à me… comment dire ? Je trouve qu’on a vraiment… Là on est en train de partir dans une direction qui ne me plaît pas vraiment et pour le coup…
Après, tous les livres sont valides, mais par contre de mettre en avant, de dire qu’en gros pour qu’un bouquin soit un grand livre, il faut bien montrer que dedans il y a des idées intelligentes, que dedans il y a de la philosophie, que dedans il y a de la documentation, et surtout il faut que l’auteur le montre, ça c’est quelque chose qui commence à me poser vraiment problème dans la manière dont on envisage nos littératures, les littératures d’Imaginaire aujourd’hui, surtout que je trouve par ailleurs, que, je suis désolée, c’est un boulot d’auteur beaucoup plus important d’arriver à faire passer autant de philosophie, autant d’idées, autant de documentation, mais d’une manière qu’on ne voit pas.
C’est-à-dire que, pour moi, la philosophie, les idées, la documentation, tout ce qu’on fait passer dans un livre, si on arrive à le faire comme un danseur classique qui a plein d’efforts derrière, mais qui ne le montre pas quand il est sur scène, pour moi c’est ça l’essentiel du boulot. Et j’ai l’impression que quand on parle de « Tell don’t show », mine de rien, on va un peu dans cette direction-là qui est aujourd’hui surreprésentée dans, on va dire, les hautes sphères médiatiques de nos genres. Et ça commence vraiment à me poser problème.
Ça donne aussi cette image, justement, d’une littérature qui laisse des gens sur le côté. Et surtout d’une littérature qui, pour moi, je suis désolée, ne fait que la moitié du boulot. Parce qu’encore une fois, si on veut écrire un essai philosophique, on écrit un essai philosophique.
Par contre, si on fait un roman, au bout d’un moment, on fait vivre des personnages, et c’est quand même ça l’essentiel. Et toutes les idées, tout ce qu’on met dans le roman, ça doit arriver au travers de ça. Et de mettre en avant aujourd’hui avant tout des bouquins qui font l’inverse, pour moi – je suis désolée, là je vais être un peu cash, et puis c’est peut-être aussi le fait qu’on ne soit pas en direct/live, je suis beaucoup plus cash quand je suis toute seule dans mon bureau – oui, pour moi, il y a une dérive là-dessus. Clairement. Et c’est une dérive qui nous éloigne d’une des bases de nos genres, qui est avant tout une littérature populaire et accessible à un maximum de publics, et l’une des forces de l’Imaginaire, c’est de mettre des idées vraiment intéressantes, de mettre des réflexions vraiment intéressantes à la portée de tous les publics.
Et je suis désolée, Trop semblable à l’éclair pour ne dire que lui, mais tous les romans dans cette tendance, ce sont des romans qui, de fait, laissent une partie du public sur le côté. Ils sont très bien, mais ils ne doivent pas être, pour moi, le fer de lance de nos genres. Et là, c’est une vraie dérive.
Désolée, je suis un peu polémique quand je suis seule.
LD : Je voulais descendre dans la fosse à requins avec toi, mais t’as déjà tout dit parce que je voulais te dire que j’étais tout à fait d’accord. Et notamment avec le fait que, eh bien oui, arriver à poser des questions, faire passer des idées tout en gardant une narration vivante et faire du divertissement – oh ! le gros mot que voici – alors, je n’ai pas lu Trop semblable à l’éclair, mais que j’étais entièrement d’accord et que c’est vachement plus difficile. Mais il me semble que c’est vachement plus inspirant aussi. J’aime la Fantasy et je suis en Fantasy parce que j’aime le côté divertissement assumé du genre qui me donne la liberté de raconter des histoires et aussi potentiellement de poser les questions qui m’intéressent en sous-main. Alors toute la SF n’est pas purement une littérature dite d’idées, mais je suis d’accord avec toi, on fait de la fiction, donc dans la fiction on raconte une histoire.
Mélanie ? Pardon.
Mélanie Fazi : Oui, je ne suis pas aussi catégorique que vous dans le sens où je vais encore faire une réponse de Normande qui est : ça dépend. Je suis assez surprise de votre réaction au fait de condamner un certain type de littérature, en tout cas en disant plutôt « il faudrait faire comme ça que comme ça ». Pour moi, les deux ont un intérêt à exister. Après, que l’un soit trop mis en avant au détriment de l’autre, à un moment donné, ça, c’est un autre problème. En tant que tel, pour moi, la question, c’est quel est le projet et comment je veux le faire passer et comment je me sens de le faire passer. Mais moi, je n’ai aucun problème à ce que les deux coexistent. Moi, je me suis plus souvent heurtée à l’autre, en fait. J’ai plus souvent été agacée par la mise en avant du divertissement, de l’action, de tout ça, au détriment de parfois de formes que moi, je percevais comme un peu plus libres. Je n’ai pas lu beaucoup de nouveautés récentes allant dans ce sens, mais il semble qu’on aille un peu plus vers ça. Moi, je suis au contraire pour complètement la coexistence des deux. Je ne suis pas forcément d’accord quand vous dites que c’est ça qu’il faudrait faire, non, moi, je considère que ce qu’il faut, c’est que les deux existent.
LD : Je pense qu’Estelle sera d’accord avec moi, ce n’est pas une condamnation, bien sûr, les deux peuvent exister. Par contre, je suis un immense fan de La Maison des Feuilles[2], qui est un des bouquins les plus inaccessibles de l’histoire – on dérive quand même beaucoup, donc peut-être qu’on pourra recadrer un peu – mais je pense que la légère bisbille que Estelle et moi avons – mais Estelle, tu me corrigeras – c’est concernant le fait de ce qui est censé représenter et de ce qui est censé tracer la voie. La littérature de l’Imaginaire, à la base, c’est une littérature populaire. Et c’est vachement dur de faire de la littérature populaire. C’est vachement dur d’arriver à distraire tout en gardant du fond. Mais c’est ce que les meilleurs auteurs de genre, tous les auteurs de l’âge d’or, c’est ce qu’ils faisaient. Et c’est pour ça que c’était l’âge d’or aussi.
MF : Mais j’ai souvent été frustrée par ça en tant que lectrice, donc du coup… Enfin bon, bref.
LD : Juste sur le « Tell don’t show », pour recadrer là-dessus, je pense que toute la problématique revient derrière à la volonté de l’auteur. Et en essayant de réunir dans une grande embrassade fraternelle tous les types de littérature dont on vient de parler aussi, ça revient à la volonté de l’auteur : « Qu’est-ce que je raconte ? Qu’est-ce que je veux dire ? ». Et par conséquent derrière, la dramatisation, qui est le terme derrière le show, à mon sens, c’est-à-dire la mise en scène : « Qu’est-ce que je mets en scène ? Qu’est-ce que je vais choisir de dramatiser ? », derrière, c’est la volonté de ce que je cherche à faire en tant qu’auteur ou autrice, et qu’est-ce que mon projet est, et qu’est-ce qu’il faut, qu’est-ce qu’il convient pour le servir, ou à la meilleure manière possible, de raconter. Et c’est là que la différence entre le tell, c’est-à-dire relater purement, et le show, c’est-à-dire dramatiser, à mon avis c’est là qu’elle s’opère.
Donc, où est-ce que le tell est intéressant dans un projet ? Eh bien quand ça n’est pas forcément la chair de l’histoire, la chair de mon projet. De la même manière qu’on ne va pas raconter par le menu le moindre petit-déjeuner des personnages s’il y a une guerre qui va se passer et que c’est vachement plus palpitant que ce qu’ils ont mangé au petit-déj’. Mais il y a constamment un choix esthétique qui s’opère dans cette distinction.
Et si je peux me permettre un grand écart complètement périlleux, parce que je vais aller piquer une grammaire narrative qui n’a rien à voir avec la littérature, dans le jeu vidéo, la grammaire narrative, en tout cas pour certaines écoles de pensée auxquelles personnellement j’adhère, la grammaire narrative du jeu vidéo, ce n’est pas la narration type cinématographique de ce qu’on te met à l’écran, c’est qu’est-ce qu’on te fait faire, c’est-à-dire c’est le gameplay.
Et pour moi, la dramatisation et la narration et le choix de l’information, et justement cet équilibre entre tell et le show, il va se trouver dans, à mon avis – ce que tu disais Estelle, en parlant d’incarnation – c’est comment je choisis de raconter les choses. C’est-à-dire que même quand je choisis de passer sous silence, même quand je choisis des ellipses, elles sont, malgré tout, on n’en sort pas, elles sont des dramatisations en un sens. Parce qu’elles disent de manière purement muette : « amis lecteurs, je choisis de raconter et de mettre l’accent sur tel ou tel truc ». Et c’est sémantique, ça a du sens derrière.
EF : En fait, je n’ai pas l’impression qu’on parle tout à fait de la même chose, avec Mélanie. C’est-à-dire que quand je dis qu’il y a une certaine littérature mise en avant – alors évidemment, comme disait Lionel, ce n’est pas pour dire qu’il y a une littérature qui n’a pas le droit d’exister, parce que je suis pour que toutes les littératures existent. Après, ce qu’on met en avant dans un paysage littéraire, ça forme aussi ce paysage et ça fait qu’il y a des romans qui vont avoir plus de facilité à exister et d’autres, il ne faut pas se leurrer non plus, des romans qui vont avoir beaucoup plus de difficulté à exister.
Donc ça, il faut faire attention que quand on met trop en avant un certain type de littérature, on est en train de fermer la porte à une autre. Et ça, je le vois vraiment arriver aujourd’hui dans le paysage des littératures de l’Imaginaire. Je vois que de fait, il y a des romans qui ont plus de mal à exister. J’avoue que j’ai un peu de mal avec ça.
Et ensuite, ce que je voulais dire, c’est que j’aime par contre les romans qui travaillent la « patte littéraire ». Ce dont parlait Lionel, en fait, une dramatisation, ça peut te faire de plein de manières différentes. Je veux dire, j’adore les bouquins de Dystopia Workshop[3]. Quand je dis par exemple « Show, don’t tell », ce n’est pas forcément pour dire que ça soit que des livres qui soient faciles à lire au sens, comment dire, traditionnel du terme. J’adore les bouquins les plus expérimentaux de Faulkner[4], mais parce qu’ils travaillent une patte littéraire, parce qu’il y a derrière un projet littéraire, vraiment.
Et si pour moi le seul projet, ou disons la priorité du projet, c’est de mettre en avant des questionnements philosophiques de manière bien visible comme ça le lecteur pourra se dire « Ouah, qu’est-ce que je suis intelligent, j’arrive à suivre des grands questionnements philosophiques », là par contre, je ne peux pas, pour moi, en tant que lectrice, me dire que c’est suffisant. Par contre, il y a des romans qui sont, on peut dire, moins faciles d’accès sur le plan littéraire, que j’adore, mais parce qu’ils travaillent une patte littéraire aussi, tout en ayant derrière du sens. Enfin, je veux dire, j’adore Le Bruit et la Fureur de Faulkner, et c’est objectivement un des romans sur lequel j’ai perdu, quand j’ai essayé de faire lire à des gens de mon entourage, même des lecteurs hyper chevronnés, et c’est un de mes romans fétiches.
Disons, pour moi il y a la patte littéraire d’un côté et de l’autre il y a les romans qui, quand même, se donnent un peu une aura à peu de frais en mettant des grands questionnements philosophiques en avant de manière par moment, je suis désolée, un peu trop factuelle.
MF : Après j’ai envie de dire, je suis d’accord avec Lionel dans le sens où la question essentielle à se poser c’est : quel est le projet et comment l’écrire au mieux ? Et j’ai envie de dire que ce problème-là à la limite que tu poses de représentations excessives d’un certain type, ce n’est pas le problème de l’écrivain. L’écrivain, ce qu’il a à faire, c’est au moment où il fait son bouquin, il le fait. Après, c’est quelque chose de plus général qui se passe autour. Je pense qu’on ne doit pas se poser ces questions, nous, en écrivant, par contre.
EF : Après, oui, là, c’est beaucoup plus des questions générales.
LD : Je suis d’accord, Mélanie. On a dérivé sur les questions de perception, mais tout à fait, l’auteur et l’autrice doivent faire ce qu’il ou elle pense devoir faire concernant son œuvre. Et ça va se trouver dans la texture même de phrase à phrase. Qu’est-ce que je choisis de dire et qu’est-ce que je choisis de dramatiser ?
EF : Après voilà, on ne peut pas nier non plus qu’une œuvre existe dans un paysage littéraire, et que le paysage littéraire influence aussi les romans qui peuvent exister ou pas. Et ce n’est pas du tout une critique d’une démarche d’un auteur. Ce que j’ai dit, c’est beaucoup plus un questionnement sur un paysage littéraire global. Parce qu’en plus, il paraît qu’Anna Palmer est super sympa.
MF : [rires] Il paraît, oui.
LD : Et tu as raison aussi sur le fait qu’on n’existe pas dans des vides.
Petite citation pour terminer. Eh bien, une citation de Francine Prose avec une traduction maison puisqu’on n’a pas trouvé de VF : « L’avertissement contre le « Tell », par opposition au « Show », entraîne une confusion chez les auteurs novices. Il les pousse à croire que tout doit être mimé : ne dites pas qu’un personnage est content, montrez-le qui crie « youpi ! » ou saute en l’air, alors qu’en fait, cette responsabilité dramatique échoit à un usage énergique et spécifique du langage.
Jingle : C’était Procrastination, merci de nous avoir suivis. Maintenant, assez procrastiné, allez écrire !
[1] Trop semblable à l’éclair, premier tome du cycle de Science-Fiction Terra Ignota, de Ada Palmer (2016 en VO ; 2019 en VF aux éditions Le Bélial).
[2] De Mark Z. Danielewski, livre connu pour sa mise en page très atypique. J’en avais moi-même parlé ici.
[3] Maison d’édition associative https://www.dystopia.fr/
[4] William Faulkner, romancier et nouvelliste américain
Tiens, il y a un truc que je trouve intéressant et que je ne vois pas dit dans cet épisode, c’est que le « show don’t tell » est à la base une règle destinée à l’écriture de scénarios pour l’audiovisuel, pas à l’écriture de romans.
Parce qu’une caméra ne filme pas le « tell », le scénariste doit montrer ce qu’il veut dire, soit par le décor, soit en le faisant passer par des dialogues ou autres actions de personnages.
Ce n’est pas un choix, c’est quasi une contrainte d’écriture. ^^
Lorsqu’on écrit un format roman, on a la chance de pouvoir choisir entre différentes façons de raconter. On a le droit au point de vue narratif interne. On peut donc utiliser le « tell » et il serait dommage de s’en priver.
Après tout est une histoire d’équilibre, de dynamisme de narration, et d’effets recherchés.
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Excellente remarque ! J’ai vérifié, même dans l’épisode sur le Show don’t tell, je n’ai pas l’impression que la problématique est évoquée. Merci à toi ! Et complétement d’accord avec toi, la variation, c’est le bien !
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