La Dernière Geste Tome 3 : Ordalie, Morgan of Glencoe (ed. Goater)

Ordalie (2025, ed Goater)

Tome 3/5 du cycle de Fantasy La Dernière Geste

Auteurice : Morgan of Glencoe, France

Illustration : Aliciane

Précédente édition : Actu SF (2021)

Mon avis sur Tome 1 ; Tome 2

Près de deux ans ont passé depuis l’arrivée de Yuri en Keltia et le couronnement de Louis-Philippe en France. La tension est grande entre les deux territoires malgré les tentatives des ambassadeurs japonais et ottomans pour calmer les velléités belliqueuses du jeune roi d’un côté et la punition commerciale des Keltiens de l’autre. Lorsque la situation dérape, Yuri réalise qu’elle est la seule à pouvoir éviter au monde de basculer dans la guerre. Dans ce roman, on explore les charmes de Keltia, une utopie prônant de belles valeurs d’égalité et de tolérance, une société très humaniste où il fait bon vivre mais qui vient se heurter au reste du monde, englué dans son conformisme étriqué.

Note : J’essaie au maximum dans mes avis de ne pas spoiler les tomes précédents, mais là, je vous conseille d’avoir au moins lu le tome 1 et le début du tome 2 à cause d’un « détail ».

Mon avis

Le tome 3 démarre deux ans après la fin du tome 2, permettant aux différents personnages de poursuivre leur évolution et de se faire à leurs nouvelles places respectives. Tout va bien dans le meilleur des mondes, jusqu’à une violente altercation raciste par un soldat français à l’encontre d’une fae du Rail, qui va assez mal se terminer. Autant dire que ça va plus que jamais tendre les relations entre la France et Keltia…

Si les deux premiers tomes étaient surtout centrés sur l’émancipation de Yuri, la mise en place de l’univers et la découverte d’une ribambelle de personnages, ce tome-ci élève très vite les enjeux. Il n’est plus simplement question de vies individuelles, car ici, il va falloir la jouer fine sur le plan politique pour éviter ni plus ni moins qu’une guerre possiblement mondiale.

La place accordée aux personnages est ainsi revue ici. Yuri tient encore une place importante, puisqu’elle devient ambassadrice de Keltia sur le sol français, mais on est plus que jamais sur un roman chorale, le type de structure que je préfère pour ce qu’elle nous offre en points de vue et perspectives différentes. Bran est quasiment absente (mais un « spin-off » est prévu pour nous expliquer ce qu’elle faisait pendant ce temps-là), ce qui personnellement ne m’ a pas gênée parce qu’il y a vraiment de quoi faire (en plus, même si j’aime évidement beaucoup le personnage, ses pouvoirs semblent avoir beaucoup évolué pendant l’ellipse, ce qui m’a fait l’effet d’un petit deus ex machina à un certain moment de l’histoire, ce qui est d’ailleurs le seul détail qui m’a un peu chafouinée durant la lecture, autant dire que je vais pas avoir grand-chose à y redire, à ce bouquin). La dynamique entre Yuri, Ryuzaki, Levana et Papa Neko a aussi bien évolué, ce qui est très chouette.

Je ne vais pas passer en revue tous les personnages, parce qu’il y a du beau monde, mais il faut quand même qu’on parle vite fait de Loulou, de son vrai nom Louis Philippe, roi de France. Loulou est un personnage que je trouve très intéressant et malheureusement dans l’air du temps, le genre qu’on aime détester… tant qu’il est fictif. Parce que pendant la lecture, il m’a franchement fait penser à la tendance masculiniste qu’on observe depuis quelques années dans le vrai monde de la réalité véritable. Il a certes grandi dans une société qui place les femmes de côté et les faes dans le caniveau, mais son frère Charles-Henri, qui a été élevé dans le même contexte, montre que sur le principe, ce n’est pas inéluctable. Mais Loulou, lui, est beaucoup trop arrogant et pétri d’insécurités pour pouvoir changer. Il n’est pas malveillant par principe, il est persuadé d’être dans son bon droit, mais ça fait de lui un homme extrêmement toxique et dangereux.

Mais peut-être moins dangereux qu’Aliénor, l’intendante, qui essaie à tout prix de sécuriser sa place dans une société sexiste, quitte à piétiner les frangines et tout ce qui se trouve en dessous d’elle. La sororité ? Très peu pour elle ! La survie avant tout. Le problème, c’est que contrairement à l’impulsif Loulou, Aliénor est d’une subtile intelligente et probablement l’adversaire la plus redoutable dans ce jeu politique, tout en étant victime de cette société patriarcale et discriminante. A ce stade, j’avoue que je ne peux pas m’empêcher de compatir un peu pour elle (mais ça, c’était avant le tome 4).

Avouez, vous aviez oublié qu’à la base on parlait politique, hein ? Comme je le disais, il ne s’agit plus uniquement d’individus qui cherchent à s’extirper de leurs conditions, mais d’un système qui élève les uns et broie les autres, même si les individus continuent à en illustrer les conséquences. Lutte des classes, police discriminatoire et violente, sexisme qui pousse même des femmes à se dresser contre leurs paires, racisme décomplexé, validisme ordinaire… et les dérives d’un masculinisme autoritaire en position de pouvoir prêt à déclencher une guerre par simple orgueil (toute ressemblance, tout ça…). J’aime bien aussi certaines remarques à propos de Keltia : une société utopiste en apparence, mais qui, pour se préserver, préfère fermer les yeux sur ce qu’il se passe en dehors de ses frontières. Ici, l’immobilisme revient à laisser tout un tas de discriminés sur le carreau, même si les aider est plus facile à dire qu’à faire et en mettrait d’autres en danger, surtout quand on parle de discriminations structurelles. Bref, un cycle qui se complexifie dans ses propos et que je trouve très pertinent par rapport à la situation actuelle de notre monde.

Bilan

Ce tome 3 est tout simplement mon préféré jusqu’ici. La tension monte d’un cran, le combat se fait à la fois dans la rue et dans la soie, par les armes comme par la danse, entre des personnages qu’on a vu grandir, s’émanciper, et d’autres qu’on adore détester. Par contre, je ne peux que vous conseiller d’aborder ce tome 3 avec le 4 directement sous la main.

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

(à noter que les avis ne se réfèrent pas nécessairement à cette édition-là)

Une réflexion sur “La Dernière Geste Tome 3 : Ordalie, Morgan of Glencoe (ed. Goater)

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