
La brume l’emportera (2024, ed. Mnémos)
Stéphane Arnier, Français
One-shot : Fantasy post-apo
Couverture : Cyrielle Foucher
Dans un monde inexorablement englouti par une brume remontant du passé, Keb Gris-de-pierre, berger de son état, a tout perdu. Maramazoe, guerrière renommée du peuple des mers, est une paria. Autrefois ennemis, ils arpentent ensemble les sentiers de montagne et les crêtes escarpées à la recherche d’une échappatoire, mais également de réponses… Quel qu’en soit le prix.
Narrant le destin poignant de deux héros que tout oppose, pris dans les ombres de leur passé et contraints de devoir sceller une alliance pour la survie de leur monde, La brume l’emportera captive de la première à la dernière page par sa voix singulière et son émotion vibrante.
Mon avis
Brume dissimulant des monstres dans The Mist de Stephen King (et révélant au passage les monstres qui sommeillent dans l’âme humaine), brouillard arpenté par des fantômes dans Fog de Carpenter, sans parler de la brume mystérieuse dans Fils-des-Brumes de Sanderson (dont je parlerai un jour, promis !), quand le monde que nous connaissons disparaît sous des volutes blanchâtres, c’est rarement source de joie et de volupté dans l’Imaginaire.
La brume du présent roman ne fait évidemment pas exception, même si elle se révèle plus ambivalente que ses homologues. Ici, elle dissout le monde pour mieux le restaurer dans une version antérieure, avec tous les bons et les mauvais côtés que ça implique.
Le premier point qui est intéressant dans ce roman, c’est sa narration assez atypique que j’ai trouvé particulièrement immersive. Keb, l’un des personnages principaux, est en effet l’unique narrateur, nous racontant littéralement l’histoire au coin du feu : à la première personne, dans un style assez oral, et « nous » interpellant régulièrement. Fatalement, ce procédé nous « spoile » en partie la fin du roman, mais ce n’est pas bien grave, c’est bel et bien le voyage et pas la destination qui compte ici.
Keb a tout perdu dans la brume. Sa ferme familiale, sa famille, même son enfant pas encore né… Malgré tout, il survie comme il peut, bien qu’il soit conscient que la fin est proche : la brume a presque tout grignoté, seuls les plus hauts sommets sont encore épargnés. Sa rencontre avec Mara, originaire d’un peuple ennemi avec le sien, va cependant tout changer, ramenant l’espoir mais aussi un profond dilemme, qui va constituer en la thématique principale de ce roman.
Cette thématique a beau être évidente (Et si vous aviez la possibilité de remonter le temps ? D’effacer vos erreurs, de faire des choix différents, de revoir des êtres disparus ? Même si ça implique un retour en arrière pour tout le monde, même si vous deviez effacer toute évolution… le feriez-vous ?), je n’ai pu que compatir avec Keb qui se voit imposer un tel fardeau. J’avoue que je me pose la question de temps en temps, et le choix est tout à la fois évident et extrêmement difficile.
Ainsi, on comprend très vite vers quoi le roman se dirige, que ce soit le choix de Keb ou le message général, ce qui n’atténue pas du tout l’intérêt du roman à mon sens, puisque l’intérêt principal réside dans le cheminement de Keb, que ce soit par rapport à la brume ou sa relation avec Mara (un personnage que j’ai adoré, sensible et forte à la fois). C’est d’ailleurs très riche en émotions diverses, sans jamais tomber dans le pathos, et malgré un début relativement lent et mélancolique, on a quand même régulièrement de l’action, et particulièrement dans sa dernière partie. Les descriptions sont à la fois très belles et visuelles, le « système de magie » à la fois simple et très bien pensé et exploité. On a aussi toute une mythologie autour des volcans, des liens, de la mémoire, et l’histoire réserve quand même une poignée de surprises.
Bilan
Un roman qui peut sembler lent et prévisible (même s’il l’est beaucoup moins qu’il n’y paraît, surtout dans son dernier tiers), c’est avant tout un voyage. Un voyage dans les montagnes, dans le passé, mais aussi introspectif, entre deuil, regrets, empathie et rédemption. Un voyage que j’ai, personnellement, fort apprécié, honnêtement, on n’est pas loin d’un coup de cœur.
Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?








