Le Ministère du Futur, Kim Stanley Robinson

Le Ministère du Futur (2023, ed. Bragelonne)

Auteur : Kim Stanley Robinson, Américain

One-shot, Science-fiction climatique

2020, The Ministry for the Futur

Traduction : Claude Mamier

Illustration : Sybille Sterk

Établi en 2025, l’objectif de la nouvelle organisation était simple : plaider pour les générations à venir du monde et protéger toutes les créatures vivantes, présentes et futures. Il fut vite surnommé « le Ministère du Futur ».
Raconté entièrement sous forme des témoignages directs de ses personnages, Le Ministère du Futur est un chef-d’oeuvre de l’imaginaire, l’histoire de la façon dont le changement climatique nous affectera tous dans les décennies à venir.
Le décor n’est pas un monde post apocalyptique et désolé, mais un avenir qui nous fonce dessus… et où il nous reste une petite chance de surmonter les défis extraordinaires auxquels nous devons faire face.

Mon avis

Les hasards du timing font que j’étais environ à la moitié du livre quand les annonces du Grand Prix de l’Imaginaire 2024 sont tombées, nommant ce livre comme meilleur roman étranger. Mais à ce moment-là, je savais déjà à peu près ce que je pensais de la lecture, malgré les nombreux avis élogieux…

En un mot, cette lecture s’est malheureusement révélée plus laborieuse qu’autre chose, même si je suis allée jusqu’au bout. J’ai l’impression de faire partie des rares n’ayant pas accroché.

Mais pourquoi donc ? me demanderez-vous peut-être.

Ce livre est plus un docufiction qu’un véritable roman, ou plutôt, il alterne plusieurs types de chapitres : les chapitres « fil-rouge » soit du point de vue de Frank, soit de Mary, les chapitres « docufiction » qui mêlent véritables notions aux solutions proposées par le roman, chapitres « tranches de vie » de personnages non nommés, et les chapitres « concepts » qui personnifient des astres, ce genre de choses.

Bon, ça peut être déjà difficile de s’y retrouver, mais ce n’est pas le problème que j’ai rencontré.

Concernant les chapitres « fil-rouge ». On suit donc deux personnages, dont les arcs vont finir par se croiser : Mary, qui dirige le Ministère du futur, une institution chargée de mettre en place des solutions contre le changement climatique, et Frank, témoin d’une terrible canicule ayant tué des millions de personnes en Inde, souffrant donc de stress post traumatique. Mary essaie de proposer des solutions conformes à la loi, mais plus lentes, tandis que Frank voudrait des solutions plus… directes. Le fait d’avoir ces deux personnages apporte un côté humain à l’ensemble, mais comme ils servent avant tout le propos, les interactions entre les personnages semblent parfois artificielles, toujours dirigées par la thématique centrale, mais on perd en même temps le côté… humain, paradoxalement. J’ai trouvé que l’ensemble faisait assez froid, dégageant peu d’émotions malgré un passage un peu tire-larmes qui ne m’a pas émue une seconde.

Concernant les chapitres « tranches de vie ». Sur le principe, je trouve ça intéressant de donner la parole à des anonymes, des gens de tous horizons, et de montrer certaines de leurs problématiques. Dans les faits, comme pour les chapitres précédents, je n’ai pas réussi à m’y raccrocher suffisamment.

Concernant les chapitres « docufiction/essai ». En gros, au début de l’histoire, une canicule sans précédent produit une sorte d’électrochoc dans le monde entier, qui se décide enfin à réagir au changement climatique, et en conséquence au capitalisme. Sauf que j’ai trouvé ça très bourratif. Il y a beaucoup d’infodump sur des notions économiques et autre, si bien que j’ai eu du mal à les intégrer (il y a même tout un chapitre qui se « contente » de lister tout un tas d’associations. J’ai juste passé le chapitre. En annexes, je dis pas, ç’aurait été intéressant, mais là, aucun intérêt de juste lire 3 pages de noms en français et anglais.).

Le livre propose pas mal de sujets, mais en même temps, il survole beaucoup de choses : on abordera à peine les questions de la surpopulation, de la surconsommation ou les problématiques liées à la pauvreté, aux inégalités ou aux handicaps/maladies. Juste… ça semble se régler comme ça. Voire, on n’en parle pas. Certains changements s’opèrent aussi curieusement vite et visiblement sans problème. Et ce qui ne se règle pas facilement, quelques attentats tuant des milliers de personnes pour remettre tout le monde dans le droit chemin, et c’est parti, ça n’a pas l’air de poser grand problème, tant pis pour les victimes collatérales ! (D’ailleurs, ils ont dû gagner au loto, les éco-terroristes, ils ont des sacrés moyens !). Je trouve aussi un peu triste que ce soit ces actions là qui sont montrées comme les plus efficaces à la longue.

Le point intéressant, cependant, c’est que ça donne une ambiance plutôt optimiste à l’ensemble (malgré les morts, donc), puisque le livre nous montre qu’on peut encore réagir, qu’on peut encore améliorer la situation. Mais l’électrochoc de départ et la facilité de changement me semblent assez peu réalistes, malheureusement (mais c’est peut-être moi qui suis trop pessimiste, sans ironie).

En bref, je n’ai pas réussi à suspendre mon incrédulité sur cette partie.

Concernant les chapitres « concepts ». Rien de particulier à dire. Comme ils sont assez courts, je trouve qu’ils apportent une respiration bienvenue.

Bilan

Bref, vous l’avez compris, je n’ai personnellement pas accroché. Dans la partie roman, j’ai manqué d’émotions et d’intérêt pour les personnages ; dans la partie docufiction, j’étais trop gênée par l’infodump constant et certaines problématiques sociales mises en retrait par rapport à la dimension économique. Ce n’est certes pas un véritable essai, on est bien dans la fiction, mais la façon dont c’est présenté fait que j’en attendais quelque chose de plus réaliste sur certains points. Maintenant, je reconnais que c’est un ouvrage clairement ambitieux, et je salue son atmosphère optimiste, il aurait été facile d’aller dans le catastrophisme complet.

Alors vu le sujet d’importance, et les nombreux avis positifs, n’hésitez pas à vous faire votre propre avis 🙂

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

10 réflexions sur “Le Ministère du Futur, Kim Stanley Robinson

  1. La forme fait que ce n’est ni tout à fait un roman, ni tout à fait un essai, ou plutôt quelque chose entre les deux. C’est à la fois intéressant, et pas forcément facile d’accès. Après, il y a pas mal d’avis plutôt positifs.

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  4. Je pense que les livres de KSR c’est tout ou rien. Le côté essais et militant est toujours très présent dans ses oeuvres touchant au climat.

    « surpopulation, de la surconsommation ou les problématiques liées à la pauvreté, aux inégalités ou aux handicaps/maladies » c’est parce que pour KSR, comme beaucoup d’autre ces « problématiques » n’en sont que parce qu’on vit ans un monde capitaliste. Ce dernier étant le « grand méchant du livre ». On produit de quoi assurer la subsitance que presque 10 milliards de personnes, mais plus d’1 milliards de personnes vivent dans la peuvreté.

    « Je trouve aussi un peu triste que ce soit ces actions là qui sont montrées comme les plus efficaces à la longue. » Bah ça fait plusieurs décénnie que les scientifiques nous annonces qu’on cours vers la catastrophe et qu’on cosntate chaque année que la catastrophe est pire qu’estimée. Du coup, de la même manière que certain progrès se sont obtenus par la lutte voir la violence, peut être que le seul moyen d’éviter la catastrophe est une sorte de révolution violente contre « le système ».

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  5. J’avais trouvé le chapitre qui name droppe les associations très émouvant. Comme une sentiment de faire partie d’un tout, de gens qui s’unissent autour d’une cause commune. Ce n’est d’ailleurs pas juste une liste froide façon bullet point, ce sont des gens qui parlent pour présenter leur association, comme un manifeste.

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