Himilce, Emmanuel Chastellière

Himilce (2023, ed. Argyll)

Auteur : Emmanuel Chastellière, Français

One-shot, Fantasy historique

Couverture : Xavier Collette

241 avant J.-C.
Aux larges des îles Égates, la flotte romaine intercepte et met en déroute une centaine de navires carthaginois. Aux premiers la victoire ; aux seconds la perte de la Sicile et un traité de paix défavorable et humiliant.
Près de vingt ans plus tard, Himilce, princesse ibère libre, voit sa destinée liée à celle du jeune général Hannibal Barca. Celui-ci ne brûle que de se venger et lève déjà une expédition à destination de l’Italie.
En quête d’une place dans cette société d’hommes, la jeune femme se retrouve emportée au cœur d’intrigues politiques en passe de transformer radicalement l’avenir du bassin méditerranéen.
Pour préserver la paix, ne devra-t-elle pas forcer son destin, quitte à se créer des inimitiés parmi les siens ?

Mon avis

Je ne sais pas vous, mais si j’ai déjà entendu parler d’Hannibal, je n’avais en revanche jamais entendu parler de son épouse Himilce. Aussi, en cours de lecture, j’ai eu envie d’aller faire un petit tour sur internet et… pas grand chose. Himilce était la femme d’Hannibal et point. Le roman n’est donc pas à voir comme un documentaire romancé, mais vraiment comme un récit fictif qui se propose d’imaginer la vie de cette femme invisibilisée par l’ombre éléphantesque (vous l’avez ?) de son époux. Et pour le coup, cette démarche fait vraiment écho au récit lui-même, puisque la femme du livre est elle aussi invisibilisée, de même que ses combats et ses souffrances. Ce n’est peut-être pas la réalité, ça ne rend pas le récit moins pertinent.

Mais bref.

Dans ce récit à la première personne narrée par Himilce elle-même, nous la suivons sur plusieurs années, commençant par un épisode marquant de sa jeunesse jusqu’à… un autre épisode marquant, disons. D’ailleurs, j’aime beaucoup comment cet épisode décrit dans la réalité véritable a été exploité.

Himilce est un personnage que j’ai trouvé très intéressant et attachant. Elle n’est pas une guerrière, elle sait où est sa place, ce qui ne l’empêche pas de toujours rechercher une certaine liberté, par ses actions ou ses alliances. Alors que le monde a les yeux rivés sur Hannibal parti à la guerre, elle mène d’autres batailles, moins épiques mais tout aussi importantes. Elle se préoccupe des autres femmes, il y a d’ailleurs une belle sororité dans ce livre, et plusieurs personnages féminins elles aussi très intéressantes. Elle s’inquiète du sort des gamins des rues, des discriminés et délaissés, des humains et des animaux maltraités et mis de côté. C’est vraiment un beau personnage qui ne se bat pas pour la gloire ou la domination, mais bien pour la paix et la liberté.

Himilce a aussi des combats plus personnels, puisqu’elle est bien décidée à ne pas se laisser traitée comme une épouse pouliche bien docile. Ce qui donne lieu à une scène extrêmement forte, le genre de scène qui aurait pu être bien glissante, surtout traitée par un auteur masculin, mais c’est vraiment écrit avec beaucoup de sensibilité et même, de poésie. Je l’ai déjà dit, mais chapeau bas pour le traitement des personnages féminins.

Quant aux personnages masculins, ils sont réussis aussi. On ne voit pas beaucoup Hannibal, et c’est tant mieux, car ç’aurait été à l’encontre de la thématique centrale. J’ai beaucoup aimé Aspar, un ancien combattant que la guerre a brisé. Pas de gloire guerrière ici, seulement des femmes abandonnées et des hommes en souffrance.

Le récit est relativement lent et contemplatif, sans être ennuyeux pour autant, car vraiment centré sur les personnages et leurs relations. Notons toutefois quelques scènes plus tendues , et un final plus explosif, d’autant plus réussi qu’on a appris à aimer les personnages (et à détester l’auteur, aussi, un peu).Quant à la Fantasy, elle est très anecdotique et plus métaphorique qu’autre chose, mais à titre personnel ça ne m’a pas du tout dérangée.

Bilan

Himilce est un récit qui met les femmes à l’honneur, trop souvent invisibilisées par l’Histoire, avec une plume sensible qui en renforce les thématiques. Ce n’est peut-être pas la vraie vie de ce personnage historique, mais au moins, elle sort enfin de l’ombre de Hannibal Barca.

Je n’étais pas très intéressée par l’Histoire quand j’étais plus jeune, car les cours me semblaient en quelque sorte déshumanisés. Merci à des auteurs comme Jean-Laurent Del Socorro ou, en l’occurrence, Emmanuel Chastellière qui y apportent de l’humain et de la sensibilité.

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

TW : Rien de graphique, mais : avortement / fausse couche ; maltraitance animale

19 réflexions sur “Himilce, Emmanuel Chastellière

  1. Tu as raison c’est un tres beau texte permettant de combler les manques de nos Histoires sur les femmes par une belle fiction, fine et riche, à son honneur.
    Si tu as aimé, n’hésite pas aussi à te tourner vers les romans de Guy Gavriel Kay qui ont la même vibe.

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  3. Des « femmes abandonnées » et « invisibilisées » par la gloire éléphantesque de leur époux ( j’ai apprécié le chouette jeu de mots qui fait emprunter un col de culture !)… Voilà qui m’a fait penser à Ariane et j’ai trouvé un article intéressant de ce point de vue : https://www.meer.com/fr/68659-la-femme-abandonnee-dans-la-mythologie-grecque
    Merci pour cet article qui m’a fort intéressée.

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  4. Ah oui, ce portrait de femme me fait terriblement envie ! Je ne connaissais pas du tout l’héroïne, mais la découvrir m’attire énormément, bien que fictionnel, son parcours semble passionnant…

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