
Les champs de la Lune (2024, Robert Laffont)
Catherine Dufour, Française
Science-Fiction, One Shot
Illustration : Aurélien Police
Puisqu’il faut trouver une autre planète habitable, pourquoi pas la Lune ? Mais la vie est rude sous le feu blanc du soleil. À l’abri de son dôme agricole près du cratère Lalande, une fermière regarde les moissons et les générations s’élever et retomber comme les marées terrestres.
Le soir, au clair de la Terre, elle parle avec son chat des fièvres qui frappent les humains, des fissures qui menacent la survie de la ferme, des enfants saisis par l’appel du vide, des robots fous et des fleurs dans la mer de la Tranquilité.
Son quotidien bascule le jour où on lui confie le soin d’une petite fille a la main verte. Qui fera éclore l’autre ?
Mon avis
Dans un futur relativement proche, les humains ont colonisé la Lune. On ne saura jamais dans le détail ce qui est arrivé à la Terre, mais ce n’est pas très dur de deviner : on s’est finalement pris le mur vers lequel on persistait à courir, donc pour que l’espèce humaine persiste, il a fallu trouver une solution radicale.
La forme du livre est un peu particulière, puisqu’on a affaire à une succession de rapports à la façon d’un journal de bord, rédigés par El-Jarline, responsable de la ferme Lalande. Ce n’est pas confirmé de façon explicite, mais El Janine est possiblement neuroatypique, ce qui confère à ses premiers rapports une distance émotionnelle et une façon de pensée singulière. Elle y consigne certaines de ses interrogations concernant la vie de ses contemporains ou des anciens habitants de la Terre, mais surtout, l’évolution et ses craintes vis à vis de la ferme, s’inquiétant des failles qui en menacent la structures ou de l’invasion des minicolas, nous présentant avec un amour évident l’écosystème dont elle s’occupe, avec ses diverses espèces de plantes et d’animaux. Si elle est attachée de façon flagrante à cette ferme, et même à Trym, le chat parlant qui se trouve être son interlocuteur privilégié, elle semble assez peu intéressée par les humains, qu’elle peine un peu à comprendre. Même la fièvre Aspic, une maladie à la source inconnue mais 100 % mortelle, est une inquiétude pour la scientifique qu’elle est, mais sans véritable impact émotionnel.
Jusqu’au au jour où elle rencontre Sileqi, une jeune fille qui s’intéresse à l’horticulture et qu’elle commence à prendre sous son aile. A partir de là, ses rapports changent de forme. On la sent plus impliquée, « découvrant » des émotions dont elle n’avait pas l’habitude : amour, tristesse, sentiments de gâchis et d’injustice. Le récit est toujours sous forme de rapports, mais plus El-Janine s’ouvre aux autres, plus elle fait d’expérience auprès d’êtres sentients, plus ses rapports se déploient au-delà de la ferme, pour un récit à la fois introspectif et réflexif sur l’humanité, et parce que l’humanité reste l’humanité, empreint de mélancolie. Le récit est certes contemplatif, et il ne conviendra sans doute pas à tout le monde, mais je ne me suis pas ennuyée un seul instant, d’autant que la beauté du style épouse parfaitement la beauté du texte.
Parce qu’au delà des réflexions sur l’humanité, on a une vraie lettre d’amour adressée à ce qu’on s’évertue pourtant à bousiller. Les descriptions des diverses plantes, ses interactions avec les animaux, sont extrêmement sensorielles et vivantes, et on ressent une certaine nostalgie en prenant la mesure de tout ce qui n’a pas pu être sauvé. J’ai aussi beaucoup aimé le réalisme scientifique du texte. C’est beau, c’est triste, c’est porteur d’émotions multiples, et on espère un meilleur avenir que celui qui nous est proposé…
Bilan
Les champs de la Lune est un récit aussi singulier que sa narratrice, dont l’ambiance contemplative et introspective ne conviendra pas forcément à tout le monde. Le texte est très riche, à la fois en termes de style, de sens et d’émotions, et s’il est empreint tout du long d’un fort sentiment de mélancolie, il n’est pas dénué de beauté et d’une certaine forme d’émerveillement.
Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?
C’était clairement un titre très personnel et original, qui ouvre aussi de nouvelle voie pour conter les fictions lunaires ou planétaire-hors Terre. On peut saluer l’autrice.
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Tout à fait.
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Si le fond a l’air intéressant, je reconnais que c’est la forme qui m’attire et m’intrigue le plus.
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C’est rare que je prête attention à la forme, mais c’est vrai que j’ai beaucoup aimé l’écriture de celui-ci.
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Toujours pas lu… La honte !
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Je l’ai lu parce qu’il était à la médiatheque, sinon je pense qu’il serait toujours dans ma wishlist 😅
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Que j’aime ce que tu dis sur la poésie et l’atmosphère de ce roman, j’ai déjà la sensation de le vivre, je n’ai qu’une envie, m’y plonger !
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Merci 😀 Ca me fait d’autant plus plaisir que j’ai galéré à rédiger mon avis, difficile de rendre compte d’une ambiance^^
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