La ronde de nuit, Bora Chung

La Ronde de nuit (2025, Rivages)

Bora Chung, Coréenne

Fix up Fantastique/Horreur

Traduction : Kyungran Choi et Pierre Bisiou

한밤의 시간표 (horaire de minuit), 2023

Une gardienne de nuit raconte ses rondes dans les couloirs d’un étrange institut de recherche où sont conservés des objets paranormaux. Chaque laboratoire recèle un mystère : un mouchoir brodé d’un oiseau bleu narrant une tragédie familiale, des baskets hantées par un mouton aux pouvoirs surnaturels, un livre relatant les légendes d’un royaume disparu, ou encore un chat qui demande : « Mais pourquoi m’a-t-il tué ? » À travers ces récits de malédiction et de vengeance, Bora Chung dénonce les horreurs bien réelles de notre époque et porte un regard bienveillant sur les minorités et les animaux.

Mon avis global

Contrairement à ce que nous annonce le résumé qu’on peut trouver sur les sites marchands, le présent ouvrage n’est pas un roman, mais un fix-up composé de sept nouvelles liées entre elles et liées à un institut qui n’est pas sans rappeler la fameuse fondation SCP, dont on a déjà parlé sur ce blog. La narratrice est une gardienne de nuit nouvellement embauchée, à qui l’on raconte et qui nous raconte à nous, l’histoire de certains objets ou animaux conservés dans les laboratoires de l’institut.

J’aime beaucoup les Creepypastas, et il y a un type de Creepypastas que j’affectionne particulièrement, c’est justement celle impliquant des gardiens de nuit informant leur successeur d’un certain nombre de règles et de précautions à prendre pour leur nouveau job (Potite playliste qui va bien). Donc fatalement, ça ne pouvait que m’intéresser.

De la même façon que dans Lapin maudit, même si l’ambiance n’est pas la même, les différentes histoires de ce recueil servent aussi d’appui à certaines critiques sur la société et les travers humains, notamment en ce qu’ils font souffrir les plus vulnérables : femmes, enfants, animaux, mais aussi personnes handicapées ou LGBTIA+ (même si ça reste léger pour ce dernier cas). Bien que l’autrice soit coréenne et qu’elle parle avant tout de sa culture, les thématiques dont elle traite sont bien malheureusement universelles…

D’ailleurs, si ce recueil ne propose rien de vraiment trash ou d’angoissant (contrairement à Lapin maudit^^), certains sujets peuvent être un peu difficiles, n’hésitez pas à vous référer à mon avis nouvelle par nouvelle, puisque je reviens un peu plus sur les sujets traités.

Bilan

J’ai beaucoup aimé ce recueil, j’y retrouve vraiment l’ambiance des creepypastas. J’ai apprécié leur étrangeté (et ça reste très soft à lire en terme d’horreur), leur surréalisme parfois, mais aussi ce qu’elles nous disent sur nous-mêmes. Définitivement une autrice à suivre en ce qui me concerne.

Mon avis nouvelle par nouvelle

Défense d’entrer

L’Ancienne évoque à la nouvelle gardienne de nuit certaines expériences vécues par ses prédécesseurs au sein d’un étrange institut de recherche.

Cette nouvelle est un peu à part par rapport aux cinq suivantes, puisqu’elle présente un peu le principe de l’institut, et surtout la nécessité d’en suivre les règles. Assez simple, mais efficace, surtout pour ce qui arrive au jeune Chan, segment le plus long et inquiétant de cette introduction.

Le mouchoir

Quand le fils cadet privilégié d’une famille dysfonctionnelle se voit refusé un simple mouchoir en héritage…

Dans cette nouvelle, on nous raconte une histoire liée à l’un des nombreux objets recueillis par l’institut, prétexte pour nous parler des familles toxiques et dysfonctionnelles, mais aussi de la cupidité et de l’opportunisme de ses membres les plus privilégiés, à l’occasion d’un décès. Cette nouvelle a particulièrement raisonné avec mon histoire familiale même si je ne suis pas directement concernée. Une histoire très sympa qui traite d’un travers très réel de notre monde.

Mouton maudit

Un vidéaste veut profiter de son nouveau poste de gardien de nuit dans l’institut pour faire exploser ses vues. Il n’aurait peut-être pas dû ouvrir cette porte…

L’une des nouvelles les plus étranges de ce recueil, j’ai beaucoup aimé son surréalisme. Elle est relativement gentillette, mais elle montre bien les conséquences d’ignorer les recommandations de sécurité. Elle m’a d’ailleurs un peu rappelé certaines vidéos d’Urbex (exploration de lieux abandonnés) qu’on peut voir sur Youtube.

Le silence de l’agneau

Une femme en relation toxique a perdu son travail à cause d’un accident au travail qui l’a laissée handicapée. Elle se prend d’affection pour des moutons servant de sujets tests à des étudiants vétérinaires.

Cette histoire est en quelque sorte une préquelle à la précédente (rien à voir avec notre ami Hannibal Lecter), et elle est presque aussi perchée. Elle est aussi extrêmement riche, puisqu’elle parle en vrac de la très mauvaise gestion des accidents de travail, des personnes handicapées laissées à l’abandon, de violence conjugale, d’expérimentations animales, de cupidité, des gens qui abusent de ce qu’on leur accorde… L’une de mes nouvelles préférées du recueil, à la fois fun et très intéressante.

Oiseau bleu

Un bébé, dernière membre d’une famille noble décimée, orpheline et handicapée, se fait voler le mouchoir brodé familial. Des années plus tard, le voleur de ce mouchoir convoite cette jeune femme qui a osé survivre.

Cette nouvelle ci nous raconte l’histoire du fameux mouchoir brodé, possiblement à l’époque Joseon, ce qu’on ne s’attend pas forcément à trouver dans ce type de recueil. L’histoire est relativement classique, mais beaucoup aimé les manifestations de ce mouchoir (vous comprendrez).

Pourquoi le chat ?

Un homme coupable du féminicide de la femme qui voulait le quitter devient également coupable du meurtre d’un chat innocent.

L’histoire est à la fois atrocement banale (En France, pas moins de 83 féminicides entre le 1 Janvier et le 14 Juillet 2025…) et très triste à lire, d’autant que la femme n’est ici pas la seule victime, comme ça arrive parfois dans ce genre de cas.

Bain de soleil

Une fois par an, les objets et les créatures de l’institut sont sortis du laboratoire pour un bain de soleil (ou de lune) dans la cour.

Une nouvelle un peu à part, comme la première, qui fait office d’épilogue. Maintenant que l’autrice nous a bien ruiné le moral, elle nous offre une lueur d’espoir en nous révélant le véritable objectif de cet institut, celui d’apaiser les objets et créatures qui y résident en dépit des évènements tragiques dont ils sont les symboles et/les victimes. Oui, on peut aller mieux, avec le temps, avec les bonnes personnes. Cœurs sur vous ❤

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

9 réflexions sur “La ronde de nuit, Bora Chung

  1. Je ne connaissais pas du tout, mais j’apprécie particulièrement l’ambiance de la couverture et comme j’aime beaucoup les recueils de nouvelles, je note absolument !

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  3. Je ne sais plus si c’est lui ou le lapin que j’ai dans ma PAL (je croise les doigts que ce soit le Lapin car le côté trash m’attire), mais je me dis que ce serait la saison parfaite pour découvrir ces ambiances saisissantes et alors je pourrai revenir te lire pour comparer nos avis 😉

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    • J’avoue que j’aime bien dire quelques mois sur chaque nouvelle, ça permet effectivement de se les remettre en tête, et dans le cas d’anthologies avec différents auteurices, c’est toujours plus sympa je trouve 🙂

      Lapin est plus trashouille, mais c’est intéressant d’avoir des ambiances différentes du coup.

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  4. Pingback: La Ronde de nuit, Bora CHUNG – Le nocher des livres

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