Vous lisez Procrastination : S02E17 – Chercher un bêta-lecteur

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Liste des Episodes transcrits

Le bêta-lecteur est le premier regard extérieur sur un travail achevé : comment se déroule ce processus, et surtout, comment profiter au maximum de cette expérience pour évoluer dans son écriture ? Pour nos trois auteurs, l’étape est fondamentale et ils décrivent leur flux de travail avec leurs lecteurs de confiance. Pour Mélanie et Laurent, c’est même une étape d’explication du travail achevé avant d’être une étape de correction ; Lionel insiste quant à lui sur la nécessité de connaître ses relecteurs pour savoir évaluer leur retour en fonction du projet qu’on s’est fixé. (Blog de Lionel Davoust)

Et dans la suite de l’article la transcription de l’épisode. N’hésitez pas à intervenir dans les commentaires pour évoquer votre expérience !

S02E17 : Chercher un bêta-lecteur

(Transcription : Symphonie ; Relecture et corrections : Plokie)

Vous écoutez Procrastination, Saison 2 Épisode 17 : Choisir un bêta-lecteur

Podcast sur l’écriture en 15 minutes.

Parce que vous avez autre chose à faire.

Et qu’on n’a pas la science infuse.

Avec les voix de : Mélanie Fazi, Laurent Genefort, et Lionel Davoust.

Lionel Davoust : Pour les gens qui ne connaîtraient pas l’expression, un bêta-lecteur, ça n’est évidemment pas un lecteur qui est un gros bêta, c’est une expression qui vient de l’industrie informatique où il y avait des versions alpha, des versions bêta, et la sortie d’une version finale. Donc un bêta-lecteur c’est quelqu’un qui lit la version bêta, c’est-à-dire un premier jet ou un jet un peu retravaillé et qui va faire un retour à l’auteur avant celui-ci fasse éventuellement une soumission et que le texte aille plus loin. Donc c’est en lien avec l’étape critique de la correction, avant la soumission à un professionnel, il s’agit de demander à des gens qui ne sont théoriquement pas des professionnels, justement, de nous donner des retours, une lecture, dans l’espoir d’améliorer son manuscrit.

Avec le développement d’internet, des forums, etc., la bêta-lecture est de plus en plus communautaire, il y a de plus en plus d’échanges. Ça parait à notre avis intéressant et important de parler de cette activité de bêta-lecture, de ce qu’on peut faire quand on débute – ou même quand on ne débute pas – pour avoir des retours pertinents, intéressants, sur notre travail.

Qu’est-ce qu’on cherche chez un bêta-lecteur ? Vous en avez, vous, d’ailleurs ? Vous en avez eu ? Vous en avez toujours ?

Mélanie Fazi : Moi, j’en ai eu beaucoup, je dirais que j’ai un « pool » de bêta-lecteurs qui changent avec le temps et aussi en fonction – je développerai peut-être après – de ce que j’attends comme retours sur un texte. Pour moi c’est une étape absolument indispensable et je considère qu’un texte que je viens d’écrire ne commence à exister à mes yeux que quand il est passé par les premiers bêta-lecteurs. C’est la première fois que quelqu’un d’extérieur me dit… Je lui donne quelque chose d’un peu brut en lui disant « explique-moi ce que je viens de faire » et je vois si mon intention est passée, je vois si ça fonctionne ou pas. Et il y a quelque chose que je trouve extrêmement – je ne sais pas comment dire – Il y a une forme de soulagement, c’est qu’on n’est pas dans le stress de l’envoi à l’éditeur. C’est-à-dire que ce qu’on leur donne n’a pas à être parfait, et le bêta-lecteur (normalement) sait que ce qu’on lui donne c’est quelque chose d’un petit peu brut, d’encore un peu maladroit, et qui est amené à être amélioré, on n’a pas ce stress du texte parfait.

Il y a une citation que j’aime beaucoup à ce niveau, que je trouve assez parlante, c’est mon maître à penser Stephen King dans son essai Ecriture[1], qui développe tout un passage où il explique qu’il fait relire ses textes avant tout par sa femme, il pense à elle en écrivant comme lectrice idéale, première lectrice, et aussi parce que – alors je cite en substance – il lui fait confiance pour qu’elle lui dise s’il s’apprête à sortir la braguette ouverte.

(rires)

MF : Et je trouve que c’est exactement ça. C’est-à-dire que si on a fait quelque chose qui est un peu gênant, un peu raté, il faut qu’on puisse faire suffisamment confiance au lecteur pour nous dire « euh, non, là peut-être pas quand même ».

LD : Cette version que tu soumets à tes bêta-lecteurs toi c’est ton premier jet, tu as déjà corrigé ou… ?

MF : C’est après mes phases de corrections. Après le premier jet, je fais en gros trois passages de corrections. Et c’est une fois que le texte, à mes yeux, a une forme où je me dis : OK, il est montrable, il n’est pas parfait, mais à ce stade moi j’ai terminé ce que j’ai à faire pour l’instant, et maintenant j’ai besoin que quelqu’un me dise ce que j’ai fait, et qu’il me dise si ça fonctionne, si ça ne fonctionne pas. Et après, je ne sais pas pour vous, mais moi j’ai tendance à multiplier les bêta-lecteurs pour deux raisons principalement. La première c’est qu’il y a forcément un côté subjectif dans une lecture, peut-être qu’une personne ne va pas aimer un texte, ça ne veut pas dire qu’il est raté. Donc si je fais relire à cinq personnes, si les cinq ont exactement le même avis il y a une tendance qui se dégage, si les cinq me disent « tu t’es ratée sur la fin » par exemple, je peux raisonnablement me dire « il y a un problème sur la fin ». Si un lecteur me dit « tu as raté ton début », un lecteur me dit « tu as raté la fin », un autre me dit « tu as raté le milieu ».

Laurent Genefort : Tout va bien.

(rires)

MF : Voilà, je peux me dire : bon, je vais écouter tout ce qu’ils ont à me dire, je vais y réfléchir, et au bout du compte, c’est moi qui décide finalement. Et la deuxième raison pour laquelle je trouve important de multiplier, c’est qu’on ne va pas attendre la même chose de tous. Je vais peut-être donner un exemple personnel, la dernière fois que j’ai eu à faire bêta-lire un texte, je l’ai adressé à plusieurs personnes. Au départ il y a eu cinq lecteurs qui avaient des profils très différents : il y avait des collègues écrivains parce que j’attendais un regard très technique sur le texte, il y avait des gens qui étaient plus des proches, parce qu’il y avait des éléments très personnels dans le texte et je voulais qu’ils m’évitent de « sortir la braguette ouverte ».

(rires)

MF : Je leur faisais confiance pour me dire s’il y avait des choses un peu gênantes ou maladroites. Il y avait une personne que je savais intéressée par un thème en particulier dans le texte, et je voulais spécifiquement son regard sur ce thème parce que je savais que ce serait intéressant. Il se trouve que tous ces retours ont concordé entre eux, et là je pouvais me dire « bon, je sais à peu près ce que j’ai fait ».

Et là, je monopolise la parole depuis le début de l’épisode.

(rires)

LG : Pas du tout.

LD : Pas du tout.

MF : Je ne sais pas si vous êtes d’accord sur tout ce qui a été dit ?

LG : Alors moi tout ce que je peux donner c’est mon expérience en fait. Moi je suis un peu un auteur de l’Ancien Monde, puisque j’ai commencé fin des années ’80, début des années ’90, c’est-à-dire avant internet. On était très très peu en communication les uns avec les autres, et moi je viens de ce qu’on appelle « L’école Fleuve Noir » qui n’est pas une école, c’est juste « débrouillez-vous par vos propres moyens ». C’était un peu le…

LD : L’école de la vie.

LG : Voilà, exactement. Alors il y a un certain nombre d’auteurs, comme Jean-Claude Dunyach, Ayerdhal, etc., qui ont été les bêta-lecteurs des uns et des autres, ils ont formé une sorte de communauté d’auteurs où ils se passaient leurs textes, ils se les commentaient, ils ont comme ça « grandi » entre guillemets ensemble. Et je pense qu’il n’y a pas meilleure communauté de bêta-lecteurs que des apprentis écrivains et des écrivains déjà confirmés pour certains d’entre eux. Moi pour le coup je n’étais pas du tout dans cette communauté-là, moi j’ai commencé vraiment tout seul. Pour moi ça a été une école d’autonomie, y compris à ce niveau-là, et je dois dire que j’en ai pas mal souffert. Ça m’a retardé dans ma maturation d’auteur. Donc moi personnellement j’estime qu’un bêta-lecteur c’est vraiment essentiel, absolument essentiel, parce qu’en tant qu’auteur, notre premier devoir c’est d’oublier le lecteur quand on écrit, ce qu’on est soit même et on doit vivre l’aventure de l’intérieur ce qui implique de ne pas se préoccuper du lecteur, justement. Alors, j’ai un côté Stephen King, tu me l’as appris, Mélanie…

(rires)

LG :… puisque ma compagne me lit depuis 25 ans et c’est ma bêta-lectrice depuis 25 ans, et c’est elle qui me permet de sortir la braguette fermée au propre comme au figuré.

Donc en fait je n’en ai pas eu, en dehors de Florence. J’en ai de temps en temps, mais ça reste assez rare. Un bêta-lecteur idéal, je pense que c’est un bêta-lecteur qui d’abord sait l’orthographe, qui sait un peu les bases de l’édition, parce que c’est quelque chose de professionnel quand même. Le bêta-lecteur idéal, je pense que c’est celui qui repère ce que vous, vous ne savez pas repérer, et donc il n’y a pas de bêta-lecteur standard, il n’y a qu’un bêta-lecteur adapté à tel ou tel auteur à mon avis. Et des fois on a la chance de tomber dessus, moi ça a été le cas avec ma compagne justement, qui sait repérer les incohérences que je n’arrive pas à repérer, les fautes que je n’arrive pas à repérer. Ce qui implique aussi d’avoir – et là c’est aussi pour ça que c’est mieux que ce soit des amis – des amis avec un regard et un langage franc et objectif.

LD : Oh oui.

(rires)

LG : Qui n’hésite pas. Ce qui implique soi-même de ne pas se vexer, c’est aussi une gymnastique mentale et une discipline pour l’auteur que d’accepter la critique, mais sans… Moi je me suis toujours dit, mon point de vue d’auteur a toujours été de me dire : quand quelqu’un me dit « il y a un truc qui ne va pas, là », même si je ne suis pas d’accord, et je ne suis pas forcément d’accord, je me dis que s’il a été heurté à un moment, s’il est sorti de la fiction à un moment c’est qu’il doit y avoir un truc qui ne va pas. Donc souvent, je modifie. Pas toujours dans le sens que m’indique le bêta-lecteur, mais je modifie quand même, parce que je me dis « là il y a un truc, visiblement ça l’a fait sortir ».

Ce qui implique aussi d’avoir un bêta-lecteur qui connaît les codes du genre. Il vaut mieux avoir quelqu’un au moins qui connaisse, parce que ça m’est déjà arrivé d’avoir un bêta-lecteur qui s’est déjà empêtré en soulevant des trucs qui n’étaient pas des fautes en fait, juste l’application de codes qu’il ne connaissait pas, et finalement c’était un peu une perte de temps pour tout le monde.

MF : Là-dessus je dirais que ça dépend… Ça dépend de ce qu’on cherche. Comme je le disais, j’aime bien l’idée d’avoir différents bêta-lecteurs pour différents points de vue, et typiquement j’ai commencé à écrire avant internet aussi, mes premiers bêta-lecteurs étaient ma famille, dans lesquels j’ai un cousin qui est un gros lecteur de genre et mes parents qui n’en lisaient pas du tout. Et je trouvais intéressant d’avoir le regard de personnes extérieures parce qu’elles avaient un regard un peu plus… je ne vais pas dire « naïf », mais plus détaché de ça, elles pouvaient me dire si le texte était accessible en dehors des genres. Et j’aime bien le fait d’avoir aussi un regard d’écrivain plus acéré je dirais, ou on peut aussi vouloir un regard plus détaché, voir si quelqu’un qui est loin de ce qu’on écrit adhère aussi, tout dépend de ce qu’on attend. Je dirais qu’il faut savoir ce qu’on attend d’un bêta-lecteur.

LD : Tout à fait.

LG : Oui, puis peut-être aussi qu’il faut changer de bêta-lecteur de temps en temps.

(rires)

MF : Le remplacer comme une voiture.

LG : Oui, mais peut-être parce qu’on apprend de ses bêta-lecteurs et donc on finit par corriger les défauts qui sont souvent vus par tel bêta-lecteur, et donc on finit par s’y adapter et au bout d’un moment le bêta-lecteur, j’allais dire qu’il a fait son job. Et donc de temps en temps c’est aussi intéressant d’avoir un autre bêta-lecteur qui va permettre de voir d’autres types de fautes en fait.

LD : Je pense que c’est hyper important de connaître les qualités et les goûts de ses bêta-lecteurs pour savoir mesurer aussi leur subjectivité, qui est nécessairement toujours le cas. Moi j’en ai aussi, et notamment 2-3 qui me suivent depuis toujours, j’en ai un qui est toujours merveilleusement enthousiaste pour tout ce que je fais, donc c’est un peu mon point de référence, c’est-à-dire que s’il y a un truc qu’il n’aime pas c’est que vraiment ça ne va pas. Mais par exemple j’en ai un – je crois qu’il écoute donc il se reconnaîtra – qui n’aime pas quand ça « geint » par exemple, c’est son terme. Et du coup si je fais une scène un peu sentimentale, etc., et qu’il me dit qu’il a trouvé que ça ne geint pas, bon là je me dis que j’ai plutôt bien réussi mon coup. S’il me dit « ça geint », je regarderai ce que diront les autres, pour voir si les avis concordent ou pas.

On parlait du fait d’avoir des amis, alors souvent effectivement les bêta-lecteurs peuvent être dans l’entourage, je pense que c’est important qu’ils aient aussi cette notion d’objectivité, d’exigence, mais aussi de bienveillance, à mon avis il doit y avoir un équilibre entre les deux. Une qualité qui est pour moi vitale chez un bêta-lecteur, c’est sa capacité à exprimer pourquoi il a ressenti telle chose, pas en termes de « je n’ai pas aimé tel personnage, tu devrais le faire fort, grand, mesurant 2 m », mais disant « je n’ai pas apprécié, ou je ne suis pas rentré dans cette scène, ou je n’ai pas apprécié ce personnage, parce que j’ai ressenti tel truc parce que j’ai l’impression que machin il m’énerve, parce que j’ai eu l’impression que là j’y croyais pas, parce que là j’ai l’impression que ça tombait à plat », etc. Et ça, ce sont des choses hyper importantes.

Et ce qui est important aussi à mon sens, c’est d’être capable d’expliquer aussi quand ça va bien, ce sont des gens qui sont capables d’expliquer ce qu’ils aiment dans ce qu’on fait, quelles sont vos forces. Non pas pour ne faire que ça, mais pour savoir les points sur lesquels on peut s’appuyer pour sortir de sa zone de confort ensuite.

MF : Je dirais que moi, c’est quelque chose que j’attends autant, les avis positifs que négatifs, essentiellement parce que comme je le disais tout à l’heure, c’est le moment où je me détache du texte et je demande au bêta-lecteur, pas simplement « dis-moi ce qui ne fonctionne pas », mais « dis-moi ce que je viens de faire ». Et si le texte fonctionne vraiment bien j’ai besoin de sentir cet enthousiasme, j’ai besoin de sentir si la réaction en face est à peu près celle que j’essayais de provoquer. C’est vrai que si on ne s’attarde que sur les fautes j’ai envie d’aller jeter mon… (rires)

LG : En tout cas, c’est la première explication de texte qu’on fait.

MF : Oui.

LG : C’est ça, je pense, le plus important, c’est la première ouverture de dialogue entre l’auteur et le lecteur. Et ça nous oblige… Moi par exemple ça m’oblige à faire de l’explication de texte, à être très clair avec moi-même, or je ne le suis souvent pas du tout quand j’écris. À la fin du premier jet, il y a une bonne partie du texte, je l’ai fait sans penser clairement à ce que je faisais, parce que je suis dans l’histoire et que c’est le sort des personnages qui m’importe. Le bêta-lecteur va commencer à creuser sur des trucs qu’on n’a volontairement pas voulu voir. Voilà, c’est la première ligne de dialogue qui s’ouvre entre l’auteur et le lecteur.

LD : Oui, tout à fait. J’essaie de soumettre à mes bêta-lecteurs la version la plus aboutie possible, j’essaie de ne pas me dire « je vais tenter tel truc et on va voir si ça passe », si c’est le cas c’est vraiment que c’est un truc auquel je crois. J’essaie de considérer mes bêta-lecteurs comme mes éditeurs en fait, de manière à me mettre cette pression-là et essayer de fournir le résultat le plus abouti, l’idée étant « j’ai essayé de faire mon maximum de ce que je pouvais faire, maintenant aide-moi à aller plus loin, de manière à ce qu’ensuite je puisse fournir ça à mon éditeur, qui est un professionnel, et qui m’aidera à aller encore plus loin ».

Je pense qu’une question qui pourrait être intéressante à traiter vite fait, c’est : à quel moment est-ce que ça va être pertinent ? Parce qu’avec les forums, les groupes de lecture, les réseaux sociaux, etc.

LG : Les associations comme CoCyclics par exemple.

LD : Voilà, la question se pose. D’ailleurs c’est une question qu’on me pose assez fréquemment. Quand est-ce que c’est pertinent de le faire ? Pas mal d’auteurs veulent avoir un retour le plus vite possible sur leur production, ils peuvent publier sur des blogs, il y a le cas de réseaux comme Wattpad[2], etc. Qu’est-ce que vous pensez de cette pratique ?

LG : En fait je ne sais pas, parce que je suis devenu pro tout de suite, je suppose que tout dépend de votre personnalité. Je pense qu’il y a des auteurs qui ont besoin d’être seuls. C’est mon cas, j’ai besoin d’être seul avec moi-même le plus longtemps possible quand j’écris, et le bêta-lecteur pour moi, je suis comme toi, je lui donne la version la plus aboutie possible parce que pour moi la correction ne doit pas parasiter trop l’élaboration elle-même. Moi par exemple je n’imagine pas donner mon texte en bêta-lecture tant qu’il n’est pas totalement terminé, parce qu’il ne faut pas qu’il ait pour le coup d’interactions entre le l’auteur et le lecteur au moins avant que l’histoire soit finie.

MF : J’ai plutôt la même démarche, en plus ce besoin de savoir précisément à qui je l’adresse pour toutes les raisons qu’on a détaillées tout à l’heure, j’ai besoin de savoir qui est le bêta-lecteur, qui j’ai choisi spécifiquement, et l’idée de le faire relire plutôt par une communauté ou par quelque chose d’un peu plus vaste, moi me bloquerait plutôt. Mais après je conçois tout à fait qu’il y ait un effet d’émulation, peut-être (surtout) pour des auteurs débutants qui n’ont pas forcément de contacts avec d’autres écrivains, je trouve que c’est des outils formidables. Après de la même manière que Laurent je n’ai pas l’expérience pour en parler.

LD : Je suis du même avis que vous, je trouve ça… Par exemple des séances de lecture comme après le NaNoWriMo[3] ou ce genre de choses ça peut avoir effectivement des effets d’émulation, mais forcément si j’ai posé cette question c’est que j’ai une idée derrière la tête. J’aimerais juste donner une mise en garde vis-à-vis de cette pratique-là, parce qu’il me semble que derrière le risque de vouloir demander un retour au plus vite… En fait je parle d’expérience, il peut y avoir derrière cette demande non pas l’envie d’avoir un retour sincère et véritable sur ce qu’on a fait, mais une forme de se rassurer. Une manière d’avoir le retour le plus vite possible, derrière ça peut vouloir dire « dites-moi que c’est bien, validez ce que je viens de faire parce qu’au fond de moi je n’en suis pas sûr ». Évidemment, je ne dis pas que tous les gens qui demandent un retour rapidement font ça, mais je pense que c’est une question qu’il peut être pertinent de se poser. Parce qu’il peut y avoir un risque derrière, c’est « j’ai fait quelque chose sur lequel je ne suis pas complètement sûr, je voudrais être rassuré par une communauté, alors je l’envoie, je le donne en pâture au vaste monde », et la réaction là ça peut être « ah » si on n’est pas tellement assuré. En général on ressent assez bien ce qu’on a fait quand même. Donc on peut se prendre des retours critiques qui peuvent casser d’autant plus le moral que ce n’était pas ce qu’on cherchait, on cherchait à être rassuré. L’effet pervers encore plus ça peut être « ouais, je vous ai envoyé un truc qui n’était pas abouti, mais vous m’avez dit que c’était bien, vous n’avez décidément pas de goût ».

(rires)

LD : Donc c’était juste un petit mot en passant, disant : avant d’envoyer quelque chose à la soumission, l’idée n’est pas d’être dans la tour d’ivoire de l’auteur, l’idée est toujours de permettre à l’auteur de grandir de la manière dont il a besoin et qui ne lui casse pas tout simplement son moral. Écrire est un truc éminemment personnel et qui peut rendre un peu… voilà, on se met à nu, des fois on sort même la braguette ouverte, donc l’idée n’est évidemment pas de se casser les jambes, mais de continuer à travailler dans le plaisir. Et surtout, moi, ce que je ne voudrais pas voir arriver tout simplement derrière, c’est je vois parfois des auteurs en formation, qui veulent avoir un retour le plus vite possible et qui sont un peu cassés par les retours qu’ils reçoivent. Donc, s’interroger là-dessus « quelle est la raison pour laquelle j’ai envie de faire lire le plus vite possible », et le faire en son âme et conscience, tout simplement.

LG : Voilà pour cet épisode sur les braguettes.

(rires)

LD : Eh bien nous allons terminer par une citation, non pas sur les braguettes, mais une citation de Neil Gaiman avec une traduction maison donc la source est en anglais. Donc Neil Gaiman nous dit « Rappelez-vous, quand quelqu’un vous dit que quelque chose cloche ou ne fonctionne pas pour lui dans votre récit, cette personne a presque toujours raison. Quand elle vous dit exactement ce qui ne va pas et comment régler le problème, elle a presque toujours tort. »

Jingle : C’était Procrastination, merci de nous avoir suivis. Maintenant assez procrastiné, allez écrire !


[1] Écriture : Mémoires d’un métier, publié en 2000 pour sa version originale

[2] Plateforme de publication et de lecture

[3] National Novel Writing Month : Challenge qui consiste à essayer d’écrire 50 000 mots pendant 1 mois

Une réflexion sur “Vous lisez Procrastination : S02E17 – Chercher un bêta-lecteur

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