Rossignol, Audrey Pleynet

Rossignol

Autrice : Audrey Pleynet, Française

2023, Le Bélial (45e texte de la collection UHL Une heure lumière)

Illustration : Aurélien Police

Warnings et Diversité

Lointain futur. Espace profond.
Plus qu’une prouesse technologique, la station est une expérience. Politique, sociale, économique, philosophique. Ainsi, au sein de ce gigantesque assemblage minier peuplé d’espèces venues de tous horizons, les stationniens se définissent moins en fonction de leurs origines que de leurs pourcentages génétiques. Melting-pot utopique, la station offre de fait un refuge de tolérance unique au cœur de la Galaxie — une vie en symbiose gérée par les Paramètres qui adaptent l’environnement aux différentes morphologies, aux contraintes physiques, à toutes les essences du vivant. Ou du moins offrait… De profonds désaccords entre les Spéciens, favorables à la séparation interespèce, et les Fusionnistes, qui œuvrent pour davantage de métissage, cristallisent les tensions.
Au milieu de ces courants qu’elle ne maîtrise pas, une femme, stationnienne insignifiante, va devoir choisir son camp, et par là même, peut-être, peser sur le devenir de la station et sa myriade d’habitants.

Mon avis

J’ai souvent dit que ce blog que je préférais généralement les formats longs, car l’univers et les thématiques peuvent davantage s’y déployer. Inversement, j’ai parfois tendance à trouver que les formats courts restent à la surface de leur sujet (à l’exception du Fantastique et de l’Horreur, qui gagnent en effet, je trouve, dans des histoires brèves). Or, Rossignol montre qu’il est tout à fait possible de proposer un univers complexe et fascinant en peu de pages, c’est d’ailleurs l’un des gros points forts de ce titre.

Sur la Station cohabitent une myriade de cultures, de morphologies et de communication différentes, au point que la Station doive s’adapter en permanence pour que tous ces êtres si différents puissent survivre au même endroit. D’ailleurs, j’ai bien apprécié la quasi absence de descriptions, que ce soit de la stations ou surtout des multiples espèces qu’elle abrite. On aura bien quelques éléments par ci par là pour nous donner une idée (éléments physiques, particularités sensorielles ou émotionnelles, culturelles etc.), mais globalement, l’autrice donne le champ libre à notre imagination; avec une plume pleine de poésie et de sensibilité.

Les individus eux-mêmes doivent s’adapter et faire preuve d’empathie et de compréhension, ce qui n’est pas sans difficultés, d’autant qu’il y a un fort métissage dans la Station. A tenter de partager des expériences avec des êtres si différents, il y a de quoi se perdre soi-même…

C’est en tout cas ce qu’a fini par penser une certaine frange de la Station, qui voit comme une perte culturelle et identitaire ce métissage, tandis qu’une autre pense au contraire qu’il s’agit d’une ouverture et d’un enrichissement (toute ressemblance ne serait pas complètement fortuite, toussa…).

J’imagine qu’à ce stade, vous commencez à cerner les problématiques.

L’histoire suit une femme en grande partie humaine de cette station, née et élevée dans ce melting-pot au contact d’individus extrêmement différents les uns des autres, qu’elle a appris à comprendre et à aimer, tandis que sa mère regrette le bon vieux temps où les frontières étaient bien nettes. De quoi se demander quel héritage restera pour son propre fils : un monde multiple, ou un monde pur ?

La narration est éclatée, pas toujours difficile à suivre, puisqu’elle alterne entre des passages de sa vie passée (enfance, adolescence), à sa vie présente (alors qu’elle est mère et politisée). Il faudra donc réunir les pièces du puzzle jusqu’à avoir la vue d’ensemble. Ce n’est pas forcément compliqué, mais le texte est dense et ne vous prendra pas par la main.

A travers le parcours de sa narratrice, nous suivons donc le parcours d’une fille, d’une jeune femme, puis d’une femme en recherche d’elle-même, essayant de trouver sa place et de combattre pour ses idées. L’histoire nous parle aussi d’un conflit générationnel, avec des parents qui regrettent le passé, et des enfants qui s’efforcent de forger un futur qui leur correspond davantage… et pour le bien de leurs propres enfants

Bilan

En un nombre restreint de pages, l’autrice réussit à notre brosser un univers fascinant, avec beaucoup de sensibilité et de justesse. Le texte n’est pas forcément simple, nostalgique et triste parfois, mais c’est aussi un très beau texte sur le vivre ensemble et l’amour sous toutes ses formes.

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

3 réflexions sur “Rossignol, Audrey Pleynet

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