Les étoiles ne fileront plus, Elodie Serrano

Les étoiles ne fileront plus

Elodie Serrano, Française

Science-Fiction, novella suivie d’une nouvelle et d’un essai

Même univers que Les baleines célestes

2024, éditions Goater

Illustration : Claire Malary

Camille Grandbois a deux passions : l’astronomie et la cryptozoologie. Deux disciplines qui n’ont rien en commun et qui pourtant la mettent sur la piste de la première espèce extraterrestre découverte par l’homme : les baleines célestes. Or, ces créatures, aussi belles soient-elles, se révèlent destructrices et deviennent vite gênante aux yeux d’une humanité en pleine colonisation galactique. De simple chercheuse, Camille, aidée de sa femme et son équipe de recherche, devient le porte étendard de la cause des baleines. Mais est-il seulement possible de les protéger de l’être humain ? Ce court roman est suivi d’une nouvelle dans le même univers et d’un essai sur les relations espèce humaine-nature. 

J’ai eu l’honneur de lire l’une des premières versions de ce texte en avant première, à l’occasion d’une alpha-lecture. Je remercie l’autrice de m’avoir accordé sa confiance, et aussi de m’avoir envoyé un exemplaire de la version définitive suite à sa publication. Je dois avouer que j’étais bien curieuse de voir ce découvrir cette dernière mouture, d’autant que je gardais un très bon souvenir de la première version 🙂

Mon avis

Dans le futur, l’humanité a commencé à se déployer dans l’univers, désespérant de rencontrer des formes de vie extraterrestres. Jusqu’à ce que Camille et Sarah fassent une merveilleuse découverte : d’étranges étoiles mouvantes cachaient en réalité de gigantesques baleines célestes. Sauf que voilà, passée l’euphorie, il faut redescendre sur Terre, pour ainsi dire. Car l’humanité n’est pas forcément prête à faire des concessions pour vivre aux côtés de ces animaux extraordinaires. Le récit se déroule ainsi sur plusieurs années, puisque le point d’intérêt de cette novella ne réside pas tant dans la découverte que dans l’après.

Le premier point fort de cette novella, c’est son atmosphère scientifique très réaliste – pas étonnant, quand on sait que l’autrice est vétérinaire. Chaque chapitre propose d’ailleurs un extrait de publication scientifique, contribuant au réalisme, pour nous donner quelques informations sur l’état des connaissances sur ces baleines. On aurait presque l’impression qu’elles existent vraiment, de quoi renforcer l’immersion et la réflexion. Mais la novella n’oublie pas non plus le coté humain : j’aime particulièrement Camille, la narratrice, notamment parce que c’est rare d’avoir des personnages dans lesquels je peux me reconnaître et me projeter (d’ailleurs, parmi les métiers que je voulais faire étant petite, figurait la Cryptozoologie^^).

Autre point fort et véritable enjeu du livre : les causes animale et environnementale. Car les baleines, bien qu’elles soient évidemment dépourvues de toute malveillance (elles ont autre chose à faire ! et puis surtout, ça reste des animaux), représentent un certain danger pour les humains, de part leur taille et leur comportement. Se pose donc la question du « comment vivre avec ? ». Si vous avez lu Les baleines célestes, vous saurez déjà quelle « solution » a été trouvée, mais le chemin de pensée et les problématiques que cela soulève sont intéressantes et d’actualité, tandis que s’opposent bien-être des baleines, comportements à la fois naturels et « indésirables » (selon le point de vue des humains), capitalisme et individualité, colonisation et expansion des humains. Toute similarité avec notre monde à nous n’est pas complètement fortuite, il n’y a qu’à voir les « débats » autour de la chasse, la réintroduction des loups ou des ours, les espèces en voie d’extinction à cause des activités humaines etc.

Mais pas que.

Je ne sais pas si c’est fait exprès ou si c’est moi qui pousse la lecture trop loin, mais je trouve particulièrement pertinent que la novella propose des personnages divers : LGBTIA+, racisé’es, neuroatypiques (que l’on pourrait extrapoler aux handicaps en général), dans la mesure où la façon dont on considère les baleines célestes dans cet univers a non seulement des points communs avec la façon dont on considère certains animaux chez nous… mais aussi certains humains (« on n’a rien contre les enfants handi, mais pas dans nos classes ; on n’a rien contre les LGBTIA+, à condition qu’iels ne se fassent pas remarquer ; on n’a rien contre les personnes de certains pays, mais pas dans notre pays » etc. bref, vous avez compris l’idée).

Pour finir, même si je ne vais pas trop m’attarder dessus, la novella est suivie d’une nouvelle qui fait un peu office d’épilogue, puis d’un essai sur notre relation à la nature et aux prédateurs, notamment les loups puisqu’il s’agit du sujet de thèse de l’autrice (plus exactement « Le Loup dans les littératures de l’Imaginaire : quelle image ? »).

Pour moi, cette novella n’est pas loin du courant Solar Punk, car même si la « solution » choisie est tout sauf parfaite, elle encourage à s’interroger sur des préoccupations actuelles, environnementales et sociales, en nous autorisant quand même une petite pointe d’espoir.

Bilan

Ce récit est un nouvel exemple qu’on peut proposer quelque chose de riche en peu de pages. Il est imprégné à la fois de merveilleux et de science, incitant à la compréhension et à la réflexion sur les causes animale, environnementale et sociale, et sur notre rapport à la nature.

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

8 réflexions sur “Les étoiles ne fileront plus, Elodie Serrano

  1. Je suis très friande du format nouvelle/novella et je trouve qu’on en propose peu malheureusement, alors rien que pour cette raison, je note ! D’autant plus que l’univers me plaît énormément et qu’il paraît parfaitement exploré 😃

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  4. je l’ai acheté à ouest hurlant, aussitôt revenue à la maison, aussitôt plongée dans ce livre que je viens de finir : pas éblouie par la plume mais conquise par le récit. J’ai adoré comme tu dis le côté réaliste du parcours scientifique (publication, recherches, lutte avec les pouvoirs publics, recherche de fonds etc.).

    Et puis j’ai trouvé passionnantes ces recherches qui dévoilent peu à peu les mystères de ces animaux – le texte nous amène à suivre les découvertes effectuées.

    Bref très bonne surprise, j’ai aimé aussi l’association nouvelle et novella, qui se complètent bien.

    Je me pencherai donc avec plaisir dans le roman Baleines célestes !

    Aimé par 1 personne

    • Je dis peut-être une bêtise, mais je crois que Baleines célestes n’est malheureusement plus édité. Mais il y a peut-être moyen de le trouver d’occasion 🙂 (Je ne sais pas si la version numérique est toujours dispo ou pas).

      Mais contente que tu aies apprécié ce texte 😀

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