Ce que le destin nous refuse, Bénédicte Coudière

Ce que le destin nous refuse (2022, ed. Gephyre)

Bénédicte Coudière, Française

One-Shot, Fantasy

En Peiros, où les fonctions des citoyens sont tirées au sort, Ariadnê est liée mentalement à la jeune Orianne qui, bien que jugée inapte, a été désignée ambassadrice. Ensemble, elles tentent de survivre en démêlant intrigues politiques et conflits d’intérêts. Sanyakta, l’étrangère, recherche sa famille disparue sur ce continent où elle doit se jouer des préjugés hostiles. Ancien galérien toujours esclave, Un voit son passé refaire surface au contact de ses nouveaux maîtres. Trois sentiers de vie qui se croisent au risque de saper les fondations d’une société injuste – trois voix racontant l’entraide et la quête des origines, et luttant pour un autre destin.

Mon avis

Quelque chose que j’aime bien quand je vais à un salon de livres SFFF, c’est qu’on découvre parfois des livres vers lesquels on n’aurait pas forcément été à la base. Surtout qu’avec la (sur)production, c’est assez facile de passer à côté de sorties.

Ce que le destin nous refuse propose trois fils narratifs entremêlés. S’il n’y a pas forcément de lien à la base, on devine évidemment qu’ils vont se rejoindre à un moment donné. J’avoue d’ailleurs avoir préféré cette seconde partie à la première, qui est davantage une mise en place des personnages et des problématiques de chacun.

Le premier fil, qui va se révéler un point d’ancrage pour les deux autres, est celui de Ariadnê et Orianne, sans doute mon préféré des trois. La narration est très singulière, essentiellement en « tu », avec Ariadnê qui s’adresse constamment à Orianne. C’est d’ailleurs particulièrement adapté : les deux femmes se retrouvent mentalement liées grâce à un implant. Orianne, une jeune femme avec une sorte de déficience mentale, se voit désignée ambassadrice. Compte tenu de son handicap, on lui assigne Ariadnê, qui est censée lui servir de caution morale sans aucune reconnaissance. Elle non plus n’a pas le choix, si elle veut retrouver son fils. A travers ce lien, et malgré les sentiments premiers d’Ariadnê pour cette situation qui la prive de sa liberté et de son libre-arbitre, un véritable amour va se nouer entre elles, similaire à celui d’une mère avec son enfant. C’est un arc que j’ai trouvé très beau et sensible, et celui qui apporte le plus d’émotions tout le long du récit. (Le système politique est très intéressant, faussement égalitaire, mais ce n’est pas le sujet du roman donc on ne va pas l’explorer plus que ça.)

Le 2nd fil est celui de Sanyakta, une jeune femme à la recherche de sa mère et de sa sœur, sur un autre continent que le sien. C’est une femme déterminée et forte, mais qui se voit confrontée au racisme et aux préjugés Pire encore, les gens de son pays ont été réduits en esclavage sur ce continent, ce qui va d’autant plus compliquer sa tâche. La narration est, là encore, très intéressante, puisque Sanyakta raconte cette histoire à la 1ère personne, en partie via un carnet dans lequel elle exprime ses sentiments en phrases brèves, presque viscérales.

Le 3e fil est celui auquel j’ai le moins accroché, essentiellement parce que Un est un personnage passif tout du long. Ce qui est tout à fait cohérent et plus crédible que s’il avait pris son destin en mains, mais bon, les goûts et les couleurs, toussa. Un est un esclave, ancien galérien qui va passer de propriétaire en propriétaire sans aucun pouvoir sur ce qui lui arrive. La narration est ici à la 3e personne, avec un ton qui semble détaché, ce qui là encore est parfaitement adapté à ce fil narratif.

Vous l’aurez compris je pense, les trois fils sont unis par des thématiques communes. On a des personnages marginalisés, avec une liberté et un libre arbitre entachés, qui doivent lutter en permanence dans cette société injuste et hostile, où le moindre faux sera puni au prix fort de fait de leurs situations respectives. Ce n’est pas franchement feel-good vu ce à quoi les personnages sont confrontés, même s’il y a des étincelles de sensibilité, de compassion et d’entraide entre ses personnages. La plume est vraiment un point fort, s’adaptant à chaque personnage, sensible et élégante, et appuyant parfaitement les émotions que traversent les personnages. Je trouve toutefois la fin trop rapide, surtout en ce qui concerne Sanyakta et Un.

Bilan

Ce que le destin nous refuse est un roman intimiste et d’une grande sensibilité, appuyé par une plume élégante qui s’adapte à ses personnages. Si vous aimez plutôt les romans qui bougent, ce livre ne sera peut-être pas pour vous, en revanche.

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

2 réflexions sur “Ce que le destin nous refuse, Bénédicte Coudière

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