Cimqa, Auriane Velten

Cimqa

Auriane Velten, Française

Science-Fiction

2023, éditions Mnémos

Illustration : Scott Uminga

Imaginez que le monde ait un jour le hoquet ; des créatures et des objets commencent à apparaître. Imaginez trouver un moyen de faire venir ces choses selon votre désir… jusqu’à susciter l’intérêt d’une équipe de scientifiques.
Imaginez travailler pour la plus grande industrie du divertissement, mélangeant cinéma et imagination. Imaginez recevoir l’opportunité de votre vie, mais continuer à être rongé par l’anxiété. Jusqu’à rêver qu’une petite fille vous offre son aide.
C’est dans ce(s) monde(s) chamboulé(s) par l’apparition de la cinquième dimension, celle de l’imagination, que les destins de Sara et Sarah s’écrivent. Mais comment empêcher que la magie ne devienne qu’une nouvelle source de pouvoir et de profit ?

Mon avis

Cimqa propose une narration alternée entre deux personnages, un chapitre sur deux. La première ligne nous fait suivre Sarah, une jeune fille britannique de sa petite enfance jusqu’à son adolescence : en effet, quand elle était petite, un évènement extraordinaire va chambouler la vie des Terriens, et elle va donc évoluer avec les conséquences de cet évènement, tout en vivant une vie « normale », avec ses affres amicaux et amoureux. J’avoue avoir eu un peu de mal avec cet arc sur sa première partie, puisque la narration en focale interne adopte une écriture enfantine pour coller au personnage. Ca contribue à l’immersion et c’est un procédé logique, mais les goûts et les couleurs, toussa.

La seconde ligne m’a davantage intéressée, peut-être parce que je m’y suis davantage retrouvée d’un point de vue personnel. Elle nous fait suivre Sara, une femme adulte qui travaille dans un domaine qui la passionne… mais en même temps, les conditions de ce travail engendrent un désenchantement et un stress intense, au point de parasiter sa relation avec sa passion, mais aussi avec sa compagne, qui la voit s’éteindre à petit feu sans pouvoir l’aider. Comme je le disais, cette ligne m’a bien parlé, ayant souffert de plusieurs burn-out malgré des domaines qui me plaisaient, et ayant une relation un peu amour-haine avec l’écriture.

Tout le long du roman, on ainsi va s’interroger sur ce qui lie ces deux personnages qui portent quasiment le même prénom, mais aussi ces deux lignes de narration. J’ai compris un peu avant la révélation officielle, mais de peu, je dois bien l’avouer^^ (d’ailleurs, je ne suis pas fan d’un certain aspect de la révélation, j’ai trouvé que cela sortait un peu de nulle part).

Le roman lui-même est assez contemplatif, avec un côté tranche de vie, même si l’évènement est fascinant en soi. Imaginez (haha) que du jour au lendemain, avec assez de volonté et de créativité, vous puissiez faire apparaître des chevaux ailés ou des dragons d’une nouvelle dimension ? Genre, vraiment apparaître. De vrais chevaux qui volent, de vrais dragons avec des écailles et tout. Pour l’adoratrice de créatures imaginaires que je suis, j’avoue que je regrette presque de ne pas pouvoir le faire moi-même T_T (mais c’est aussi pour ça que j’écris et que je fais du crochet, est-ce que ça ne revient pas un peu au même, en fin de compte ?).

Evidemment, en dépit de son aspect enchanteur et même si ça n’apparaît pas aussitôt aux personnages, il y a des dérives. Je regrette d’ailleurs un peu que le roman reste à la surface de certaines d’entre elles, évoquées dans l’arc de Sara, sans que ce ne soit exploré plus que ça. Ce n’était pas la thématique principale de ce roman et elle a un impact important sur les personnages malgré tout, mais j’ai eu l’impression de rester un peu sur ma fin là-dessus.

Il y a quand même une dérive en particulier qui est exploitée, et de façon très pertinente. Du côté de Sara, cette faculté est devenue une industrie proche du cinéma, mais qui n’a pas échappé au productivisme : du chiffre, du chiffre, du chiffre, au diable la créativité et la passion, seuls comptent l’audience et les sousous, à coup de statistiques et de prédictions savamment étudiées. Il faut donner aux gens ce que les gens veulent, même si c’est du multi-réchauffé sans saveur (ça vous rappelle rien ?). Et les passionné’es n’ont qu’à rentrer dans le moule s’iels ne veulent pas perdre leur boulot, même si ça doit les faire souffrir d’anxiété chronique voire de dépression.

(Au passage, c’est un peu dommage que les personnages soient anglophones, parce que le titre repose sur un « jeu de mots » qui ne fonctionne qu’en français).

Les thématiques proposées par ce roman sont ainsi très intéressantes, et surtout très actuelles : découverte de son identité, vie professionnelle parfois destructrice, émerveillement de la jeunesse VS désenchantement adulte, rapport entre vie pro et vie perso, la passion qui finit par nous bouffer, imagination et créativité VS les impératifs de la vie, progrès et dérives des nouvelles technologies etc. Oui, il y a de quoi faire.

Bilan

Beaucoup apprécié ce roman malgré quelques bémols qui se révèlent anecdotiques. J’ai beaucoup aimé le contraste entre les deux personnages principaux, leur évolution, ainsi que toutes les thématiques explorées qui sont ô combien actuelles, d’autant que le roman a aussi résonné d’un point de vue personnel.

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

10 réflexions sur “Cimqa, Auriane Velten

  1. J’étais très attirée par la couverture et en lisant ton retour, j’avoue l’être d’autant plus pour le roman en lui-même, qui paraît extrêmement intense et fort de messages !

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  2. Pingback: Cimqa, Auriane VELTEN – Le nocher des livres

  3. Merci beaucoup pour cette très jolie critique !
    Je suis ravie que vous ayez été si touché.e par Sara, je serais très curieuse de parler plus avant avec vous de ce qui vous a plus ou moins marqué, de vos regrets, etc. Peut-être nous croiserons-nous en festival ?
    Auriane

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    • Le plaisir était pour moi, et je compte bien lire After un de ces jours 🙂

      En général, je vais au salon ImaJn’ere à Angers, si vous y allez ce sera un grand plaisir de discuter avec vous 😀

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      • Ce n’est pas encore prévu, mais je ne manquerais pas de vous prévenir le cas échéant !
        Si jamais vous souhaitez lire un texte plus récent, mon dernier roman, qui sera publié chez YBY, est actuellement en crowdfunding sur Ulule !

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        • Je sais que vous serez déjà à l’Ouest Hurlant, on ne peut pas être partout^^ (il y aura du beau monde, en plus !).

          After est dans ma wishlist de toute façon, mais j’étais passée à côté du crowdfunding, merci de l’information ! Je vais aller regarder ça de plus près 😀

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  4. Pingback: Cimqa | Le pouvoir de l’imagination – Le dragon galactique

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