Le Livre des Martyrs est un cycle de Dark Fantasy écrit par Steven Erikson, publié en VO à partir de 1999, dès 2007 en France pour la première traduction, et 2018 pour la présente.
S’il est un titre dont je parle régulièrement sur le blog, c’est bien celui-ci, probablement encore plus que le mien. J’ai découvert Erikson grâce aux très intéressants podcasts d’Elbakin.
A force d’en entendre parler avec tellement d’enthousiasme, j’avais fini par acheter la traduction de Calmann-Levy du tome 1, puis de la suite. Alors, frustrée de découvrir que la traduction avait été abandonnée malgré un tome 2 riche en… bref, je me suis tournée vers la VO (pas forcément évidente, la plume d’Erikson est vraiment riche… Mais c’est faisable). (Et ne vous laissez pas impressionner par la taille du machin ! Le premier tome, je l’ai commencé à 14h hier… Je l’ai fini en une huitaine d’heures).
J’ai suivi les pérégrinations de Nicolas Merrien depuis le début, membre d’Elbakin passionné de The malazan book, qui a entrepris une traduction pour le fun, sans être traducteur professionnel, sans garantie que cela serve un jour à quelque chose… Et plusieurs années après le début de cette aventure, cela a payé, puisque le miracle est arrivée: une maison d’éditions assez « folle » pour reprendre le morceau : Les éditions Leha.
Donc, avant de passer au corps de cet article, je remercie une nouvelle fois Nicolas Merrien pour sa ténacité, Emmanuel Chastellière pour sa traduction (à noter qu’il est aussi auteur), et bien sûr aux éditions Leha et à Marc Simonetti pour sa super couverture.
Et surtout à Erikson himself, of course (qui sera présent aux Imaginales 2018 !). J’espère que cette fois, ce cycle aura enfin le succès qu’il mérite en France.
– Un abattoir a pris feu, commenta Ganoes. Des porcs.
Le commandant grimaça. Enfin, au bout d’un long moment, il soupira et s’accouda de nouveau au parapet.
-Comme tu dis, mon garçon. Comme tu dis.
Univers
Les Jardins de la Lune prend place sur le Continent de Genabackis, où l’on visite principalement Pale, Darujhistan et les environs (enfin, quand je dis visite… Le roman est épais, mais vous n’y trouverez aucune longueur, aucun temps mort. Les descriptions sont réduites à leur minimum).
J’en ai déjà parlé dans l’article global sur le cycle, mais l’univers est vaste, détaillé, structuré, et s’étale sur… 300 000 ans, quelque chose comme ça. Que ce soit les peuples, les légendes, les jeux, les sociétés… rien n’est laissé au hasard. Pas étonnant, quand on sait qu’Erikson était archéologue et anthropologue !
Et question diversité, on est servi. Des hommes, des femmes, peaux noires, blanches ou bleues, humains, Tiste Andii, Jhaguts, squelettes ambulants, Chiens géants, dragons, démons, dieux… (et vous ne connaissez pas encore les K’Chain Che’Malle <3).
Par contre, qui dit univers vaste et fouillé, sans temps morts, dit potentielles difficultés à s’immerger. Si c’est votre première incursion, ne faites pas comme moi : prenez le temps de ramasser les pièces du puzzle, sans vous presser. Car l’ambition du Livre des Martyrs est à la hauteur de son exigence : l’auteur ne vous prendra pas par la main, ne vous offrira guère d’explications, et un personnage ou une information ne vous seront introduits qu’une fois. Vous qui entrez dans ce cycle, abandonnez tout espoir de facilité. Acceptez de ne pas tout comprendre immédiatement (surtout que certaines clés ne vous seront donnés que dans les tomes suivants). Le système de magie est particulièrement âpre quand on découvre l’univers pour la première fois.
Mais Erikson sait ce qu’il fait, et il vous donne toutes les pièces. A vous de les saisir au vol et de les mettre de côté en attendant de comprendre dans quel sens elles vont. L’effort en vaut la chandelle !
Les personnages
Nombreux, très nombreux, et chacun possède un passé et une histoire. Il n’y a pas vraiment de protagonistes, même si certains, comme Mésangeai, Loquevoile, Paran, Anomander, Kalam et Ben le Vif, Kruppe… sortent du lot.
Cependant, c’est probablement le point faible de ce premier tome. Les personnages ne laissent entrevoir que le sommet de leur iceberg. Leurs personnalités sont riches et travaillées, leur profondeur aussi, mais ils restent secrets et ne nous dévoilent guère leurs états d’âme. Difficile à ce stade de réellement s’attacher à eux ou de s’émouvoir quand il leur arrive un pépin (mais ça viendra… dès le tome 2).
(Bon, en fait… c’est pas plus mal… Faut mieux pas trop s’attacher à eux…).
L’intrigue
Si l’univers est complexe à appréhender, l’intrigue est relativement simple. En tout cas, une fois passé le premier arc, celui de Pale, dans lequel le lecteur est plongé sans avertissement, en plein cœur d’un siège qui a mal tourné.
Avant que l’histoire ne commence, l’Empereur a été défait et c’est Laseen qui est devenue impératrice de l’Empire Malazéen. Alors qu’elle étend son Empire en conquérant les cités libres de Genabackis, elle tombe sur un os : Anomander Rake, Seigneur de Sangdelune, un mage Tiste Andii surpuissant. Elle va donc devoir chercher un moyen pour contourner le problème, et peu importent les conséquences… (surtout qu’ici, la magie permet des déferlements de puissance assez impressionnants).
L’intrigue est simple… en apparence. Car comme pour l’univers, les pièces vont sont données… mais pas forcément dans l’ordre, et sans vous dire tout de suite à quoi elles servent (certaines ne serviront que dans les prochains tomes). Sans parler du fait que les dieux sont de la partie pour mettre un peu plus de pagaïe… 😉
Style et Traduction
J’en ai déjà un peu parlé, mais le style d’Erikson est riche, précis, fluide, rythmé, sans temps morts. Vraiment, ça coule tout seul !
Mais je pense que c’est la traduction qui va surtout vous intéresser 😉
Nicolas Merrien partage ses propositions de traductions sur le forum Elbakin, depuis le début de cette aventure aussi riche en rebondissements que le cycle lui-même (très intéressant à suivre, mais si vous y allez, vous risquez de vous spoiler des trucs. Je ne mettrai donc pas de lien, mais c’est facile à retrouver). Du coup, je m’attendais déjà à certains choix.
Ainsi, certains ont fait grincer les dents des aficionados, surtout en ce qui concerne les noms des personnages. Mais la plupart ont en effet une signification littérale, il aurait donc été étrange de les laisser en anglais.
J’avoue avoir été dubitative également sur certaines propositions, tout en décidant de leur faire confiance. Et j’ai eu raison : les noms sont traduis de façon logique, et après une ou deux occurrences, ils sont facilement adoptés (oui, même Mésangeai ! que finalement j’aime beaucoup. Certains noms claquent moins qu’en VO, mais entre signification et sonorité, il faut choisir). J’aime particulièrement le choix de traduire Tattersail par Loquevoile : on entend la voile claquer dans la prononciation !
Le seul sur lequel j’ai du mal, c’est Hairlock devenu Toupet. La sonorité d’Hairlock ressemble à Warlock (sorcier), et du coup on perd cet aspect. M’enfin, à part celui-ci…
(Je suis quand même contente qu’ils aient gardé Anomander Rake tel quel).
Et le reste de la traduction, alors ? Eh bien c’est simple, il n’a fallu que quelques phrases pour que la magie opère de nouveau. Je ne connaissais pas la plume d’Emmanuel Chastellière, mais ça m’a donné envie de la découvrir. Le style est vif, élégant, précis… bref, il respecte parfaitement celui d’Erikson.
Me voilà rassurée : le cycle est en de bonnes mains !
Bilan
Je vous l’ai dit, le cycle est ambitieux, et exigeant, et si le premier tome n’est pas le meilleur, il ne fait pas exception à ce principe. Vous aurez sans doute un peu de mal les 200 premières pages, et ensuite, c’est de plus en plus facile, de plus en plus fascinant à mesure qu’on commence à comprendre comment fonctionne. De plus en plus épique, à mesure que les enjeux se corsent.
Ce n’est pas pour rien si c’est mon cycle de Fantasy épique préféré !
Le tome 2, qui devrait sortir cet automne, n’est pas la suite directe des Jardins de la Lune, puisqu’il suit d’autres personnages. Il faudra attendre le tome 3 (l’un des meilleurs du cycle !), pour retrouver ceux des Jardins.
A savoir que les tomes sont plus ou moins indépendants les uns des autres : chacun possède son intrigue, qui se conclut dans le même tome. Mais évidemment, il y a une intrigue globale, et vaut mieux lire dans l’ordre quand même.
Quoi qu’il en soit, je suis rassurée. La traduction est fidèle à l’œuvre, et le style rend la lecture particulièrement fluide. Normalement, il y aura deux tomes par an, donc on aura la fin du Livre des Martyrs laaaaargement avant celle du Trône de Fer 😉
A noter que c’est le livre le moins « bon » du cycle^^
Mon article global sur le cycle : ici
Podcast d’Elbakin : ici
Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?
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Cet enthousiasme dans ta critique ! Déjà que le bébé fait partie de ma wishlist depuis des mois, ta critique me fait rager de ne pas le posséder :-p Merci pour ce retour détaillé ! Je suis vraiment content que ce Must have de la littérature de l’imaginaire soit à nouveau édité !
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J’ai passé mon vendredi matin devant la fenêtre pour ne pas rater le passage du facteur (sérieusement). ça se sent que j’adore ce cycle, ou… ? XD (et c’est le moins bon à mon avis… J’attends avec une impatience encore plus grande le tome 3).
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« A noter que c’est le livre le moins « bon » du cycle^^ »
Vivement la suite, alors !
(merci pour le lien)
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Le 2 est vraiment au dessus à mon sens, mais pour l’instant mon préféré c’est le 3^^ (Et de rien 😉 )
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Ta chronique est excellente ! Si je n’avais pas déjà lu et adoré le premier tome, je me jetterai dessus direct. J’ai vraiment hâte de lire la suite, d’autant que ça semble se bonifier en progressant dans la saga.
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Merci 😀 je confirme, j’ai lu jusqu’au 7, et le premier est vraiment le moins bon (ce qui est tout relatif, évidemment…^^). Chaque tome me laisse avec le cerveau en bouillie, mais j’ai hâte de pouvoir lire tout le cycle depuis le début 🙂
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Je trépigne d’impatience de constater cela par moi-même alors ! Je suis actuellement dans un autre petit pavé, mais je pense que je ne vais pas tarder à enchaîner ensuite avec le second tome !
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Curieuse d’avoir ton retour alors 😀 J’espère que le T2 te plaira, surtout ^^
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J’espère aussi !
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