Vous lisez Procrastination : S02E19 – Choisir des noms

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« Grand consensus dans cet épisode entre nos trois auteurs sur le processus et la symbolique de création des noms. Mélanie met en avant qu’un nom n’a pas nécessairement de sens caché, même s’il peut être révélateur d’une origine ou d’une génération ; ce qui compte, c’est l’impression. Lionel approuve, le rapprochant de la notion de musique dans l’écriture et de symbolique personnelle, et Laurent prolonge en le rattachant résolument à toute la toponymie d’un univers fictif, son jargon, ses termes. » (Blog de Lionel Davoust)

Et dans la suite de l’article la transcription de l’épisode. N’hésitez pas à intervenir dans les commentaires pour évoquer votre expérience !

S02E19 : Choisir des noms

(Transcription : Umanimo ; Relecture et corrections : Symphonie)

Vous écoutez Procrastination, Saison 2 Episode 19 : Choisir des noms.

Podcast sur l’écriture en 15 minutes.

Parce que vous avez autre chose à faire.

Et qu’on n’a pas la science infuse.

Avec les voix de : Mélanie Fazi, Laurent Genefort, et Lionel Davoust.

Lionel Davoust : Gulliver, Clark Kent, Gandalf, Tatooine, l’Enterprise. Des noms chargés de force, tout particulièrement dans nos genres, les littératures de l’Imaginaire. Et évidemment, les littéraires de l’Imaginaire, c’est un raccourci pour parler des littératures des mondes imaginaires. Qui dit création fictive, qui dit création d’univers, dit création de noms. Création de noms de personnages, même dans la littérature générale, bien sûr, il faut nommer les personnages, mais également dans la littérature de l’imaginaire, créer des noms de lieux. Mélanie, tu as plutôt de univers contemporains, sauf en traduction, puisque tu t’occupes de traduction de Sanderson. Laurent et moi, en Science-Fiction et Fantasy, on a plus de créations d’autres mondes.

Mais peu importe, puisque finalement cette notion de la toponymie – donc la science des noms – et la création des noms de personnages, elle est prégnante dès qu’on fait de la fiction puisqu’on crée ce qui n’existe pas.

Déjà, j’ai l’impression, en parlant avec des camarades et des collègues que l’importance des noms est assez variable en fonction des auteurs. Est-ce que c’est quelque chose qui pour vous revêt une importance, ou alors à la rigueur, ils pourraient s’appeler d’une quelconque manière, c’est quelque chose que vous pourriez décider à la fin, une fois que c’est fini et ça n’aurait pas d’importance.

Mélanie Fazi : Moi, ça en a pour moi, mais à un niveau je dirais plus personnel qu’à l’intérieur du texte. C’est-à-dire que pour moi, le nom d’un personnage, qu’il soit un prénom… comme on a dit ce sont des textes contemporains, donc des prénoms existants, j’ai besoin de ça pour moi-même connaitre le personnage et le sentir. Et souvent il n’existe que quand il a trouvé son nom. On n’est pas tout à fait, je pense, dans la même thématique selon qu’on utilise des noms existants ou selon qu’on va partir dans la création qui là sera plus votre domaine.

Moi, j’ai tendance à avoir des personnages ordinaires et à leur donner des prénoms existants. Et comment est-ce qu’on choisit un nom ? Je n’aime pas trop l’idée, qui revient souvent chez des lecteurs ; on me demande souvent : « quel est le sens derrière le nom, le choix de tel nom ? » Comme s’il devait systématiquement y avoir une symbolique. Et pas plus que dans la vraie vie, je pense que le nom de quelqu’un n’est pas nécessairement choisi pour son sens, ça arrive, mais pas toujours.

Par contre, je pense qu’un nom donne une certaine impression. C’est un premier contact, en fait, avec quelqu’un. Le nom va dire quelque chose. Par exemple, dans le choix d’un prénom existant, selon ce qu’on va choisir, ça peut dire des choses sur l’origine du personnage, son origine sociale. Il y a des noms qui vont être très marqués, plutôt bourgeoisie et des noms très populaires, par exemple. On peut avoir des noms d’origine étrangère qui nous apprennent que le personnage est de telle ou telle origine. Ça peut nous dire des choses sur son âge aussi. Par exemple, il va y avoir des prénoms qui vont être à la mode à moment donné. J’avais pris quelques exemples : si un personnage s’appelle Henriette, on peut supposer que c’est une génération de nos grands-parents ; si le personnage s’appelle Stéphanie c’est un nom qui était très, très courant dans ma génération. Ou il y a des prénoms comme Léa ou Zoé qui sont devenus à la mode plus tard. J’ai été frappée dans des romans jeunesse, notamment, qui souvent utilisaient un prénom qui était à la mode dans la classe d’âge qui était visée. Et je citais Zoé, parce que je pensais à une série de Gudule dont le personnage s’appelait Zoé. Et c’était à une époque où énormément de petites filles portaient ce prénom qui était très à la mode. Donc on peut jouer sur des choses comme ça.

On peut jouer sur une familiarité. J’ai un exemple qui n’est pas personnel… j’avais étudié à la fac en littérature anglaise, on avait étudié 1984 et mon prof, qui était anglais, nous avait dit que Winston Smith ce n’était pas tout à fait John Smith, mais en dehors de ça, c’était à peu près le nom le plus courant qu’on pouvait trouver, c’était vraiment monsieur ToutleMonde. Ce dont je ne me rendais pas nécessairement compte à la lecture. Ou bien on peut avoir des noms complètement extravagants. Je n’en ai pas… Si, j’ai pensé à un exemple, mais ce sont plus des pseudonymes. Lionel, dans ta série Léviathan, tu as des personnages dans un cadre contemporain. Tu as un héros qui a un nom très courant, je pense assez volontairement, et tu as des personnages de mages qui se sont tous choisi un nom, tous plus extravagants les uns que les autres. Je les ai plus en tête mais… Déjà ça dit quelque chose sur chacun de ces personnages, donc finalement il y a une forme de… pas de création, mais il y a énormément de choix derrière le choix d’un nom, sans nécessairement avoir un sens. Mais pour moi, il y a une impression qui doit être donnée. Je ne sais pas si ça rejoint votre rapport à tout ça.

LD : Tout à fait et je pense que ton approche, pour moi en tout cas dans celle d’un monde imaginaire, c’est exactement la même. C’est presque une espèce d’évocation – c’est marrant, on tombe fréquemment sur cette dimension – c’est presque une évocation musicale, à la fois musicale et esthétique, à l’écrit. Donc au niveau de la sonorité, et cette chose-là va être effectivement une forme d’évocation, une forme de représentation, mais qu’il est presque impossible d’expliquer de façon rationnelle, pour moi. Ça va dégager quelque chose.

Pour rester dans les univers contemporains, je viens de terminer une nouvelle de Science-Fiction : il y a un ado avec ses parents, ils sont d’origine suédoise, j’ai le nom des parents, mais en fait le nom des parents n’est jamais apparu dans le texte, parce que je n’ai jamais eu besoin de les appeler, mais j’avais besoin, moi, de savoir comment ils s’appelaient, parce que ça m’évoquait qui ils étaient. Et à partir du moment où j’avais le nom, à partir du moment où ce nom-là sonnait juste dans le ressenti que j’avais du personnage, sans même me l’expliquer rationnellement, je comprenais, je savais qui ils étaient. Et quelque part, j’avais accroché quelque chose qu’ensuite si je voulais développer, la description, le caractère, etc. il fallait creuser derrière ça plus qu’inventer, en fait. Je suis tout à fait d’accord avec toi, ça marche dans un univers contemporain, ça marche partout, cette création de noms que ce soit pour les lieux ou pour la personne. Ça symbolise, et après il s’agit de comprendre ce qui va derrière ce nom-là plus qu’une forme d’invention.

MF : Et après, on peut jouer aussi, si on poursuit là-dessus, sur des contrastes et choisir un nom qui ne colle pas tout à fait avec l’image qu’on peut avoir. Dans ma nouvelle qui s’appelait Nous reprendre à la route, j’ai un personnage, une espèce de punkette qu’on croise sur une aire d’autoroute et qui s’appelle, son prénom c’est Léonore et qui se fait appeler Léo, parce que Léonore, elle n’accroche pas trop. Et j’aimais bien le contraste entre ce nom que je trouve… pour moi c’est un nom qui a plutôt une certaine classe, que j’associe à une certaine classe sociale, porté par quelqu’un qui dit : « ben non, moi je ne me reconnais pas dans ce nom-là, je vais prendre un nom androgyne, je me fais appeler Léo ». Et je trouvais que rien que ça, ça disait des choses sur le personnage. Et j’aimais bien ce contraste entre ce prénom et l’image de ce personnage qui n’allaient pas forcément ensemble.

LD : C’est hyper évocateur. On peut jouer avec les surnoms aussi. J’ai une anecdote un peu du même genre. Dans Les Dieux Sauvages à un moment il y a un croisé, donc un soldat de la foi, etc. qui a vraiment la réputation d’être hyper acerbe, qui a un côté du visage rongé par l’acide. Il s’appelle Aldan, qui est plutôt un nom relativement doux, donc il s’est choisi un surnom, il s’appelle le Mordicant parce que ça fait un peu plus classe quand on s’est fait ronger la tronche à l’acide, ça en impose un peu plus chez les mécréants.

Laurent Genefort : Oui effectivement, un nom, ça fixe le personnage, ça lui donne son empreinte. C’est assez biblique, ça lui donne son officialité, ça l’amène au monde d’une certaine manière. Et en plus, au-delà de ça, il y a les connotations données par le contour sonore du nom. Ça lui donne une sorte de contour verbal ou sonore que lui donnent les voyelles qu’on va mettre dedans, les consonnes, et qui va lui donner une… C’est ça sa chair, finalement. C’est-à-dire ses couleurs par les phonèmes, en fait, ça va passer par des phonèmes plutôt espagnols ou anglo-saxons. Ou même des lettres et des accents si on veut faire dans le genre exotique. C’est ça qui va lui donner sa forme.

Pour moi, c’est un néologisme au même titre qu’un néologisme d’un nom commun. Pour moi, ça se crée de la même manière, c’est-à-dire que c’est l’inspiration, on est vraiment dans la pure inspiration quand même, donc dans la subjectivité totale. Ce qui fait que c’est des trucs qui sont très personnels, je trouve, les noms. Que ce soit des noms de personnages ou de lieux, c’est pareil.

Pour moi, le nom, il est porteur d’une histoire interne, c’est ça qui va donner une première profondeur. Ça permet de faire une espèce de généalogie imaginaire du personnage ou du lieu. Moi, assez souvent, ce sont des prénoms altérés. C’est-à-dire que je vais altérer en changeant une lettre, pour donner une sorte de familiarité, mais singularisée par un léger twist dans la graphie ou le… Je fonctionne souvent comme ça. Ou alors par exemple, sur les noms de lieux, j’ai un peu des noms… Parce que je fais un space opera, une sorte de space opera global qui s’étend sur une cinquantaine de romans et finalement, ça m’a permis de ramener des sortes de noms de lieux génériques. Dans mon univers, il y a les humains qui ont profité d’un grand réseau de trous de ver pour aller s’installer sur des dizaines de milliers de planètes.

LD : Les portes de Vangk.

LG : Voilà, les portes de Vangk. Et le mot « Vangk », c’est un mot qui a été créé un peu par défaut, c’est peut-être le nom du découvreur de ce réseau, si ça se trouve, mais voilà, c’est le nom qu’on a donné à cette espèce qui a disparue et quand les colons vont sur place, en général, la ville qu’ils fondent va s’appeler Villevangk ou Portvangk. C’est une manière de donner une histoire à cet univers-là sans en avoir l’air, de aussi dire aussi que les colons en fait n’ont pas d’imagination…

[rires]

LG : Non mais c’est vrai, et c’est souvent le cas. Quand on voit les premiers ports américains installés aux… voilà, c’est Port Mary, c’est des choses comme ça quoi, c’est des trucs hyper bateau.

LD : En Australie, il y a un état qui s’appelle la Nouvelle Galle du Sud.

LG : Voilà, c’est typique. Les colons ont rarement d’imagination au niveau de la création onomastique. C’est une façon de structurer l’univers de donner des noms. Moi je les trouve souvent en groupe. C’est souvent déjà le premier acte créateur, pour moi c’est ça, de trouver des noms. Et créer en groupe, comme ça, créer des listes, ça me permet déjà de voir, graphiquement, de mettre l’accent sur la variété que je vais avoir des noms. Éviter d’avoir des noms qui se terminent tous en « om », ce genre de choses. En fait c’est tout bête, mais le fait comme ça de trouver les noms puis de les accoler, les mettre les uns à côté des autres, voir un peu la couleur générale des noms, ben ça permet de garantir une certaine variété en fait. Puis de se creuser un peu le ciboulot, ça ne fait pas de mal. Parce que si tous les noms avaient une seule syllabe ou se terminaient par… ça ferait très pauvre quoi. Ça permet d’accentuer le côté varié, et ça permet de faire des fois aussi des jeux littéraires.

Moi je crois beaucoup au subliminal, en fait. Je trouve que les noms c’est toujours porteur de quelque chose, même si on les twiste beaucoup, même si on fait des alliances des fois qui ont l’air aléatoires de syllabes, en réalité le cerveau fait des analogies tout le temps et donc, quoi qu’on fasse, quoi qu’on trouve, il y aura toujours des gens pour dire : « ah mais en fait tu as voulu dire ça en trouvant ce personnage ». Heu… non.

MF : Ça arrive souvent, ça.

LG : Ça arrive souvent. Et donc, j’ai pris le taureau par les cornes. Par exemple pour Spire, ma trilogie en cours, qui raconte l’histoire d’une compagnie de transport interstellaire, j’ai pris les noms d’aviateurs de l’Aéropostale et des mécanos qui représentent le nom des capitaines et le nom des mécanos. Alors, je les ai un peu twisté aussi, des fois j’ai interverti les syllabes, j’ai fait des anagrammes, ce genre de trucs, mais voilà. Pour le nom des vaisseaux spatiaux, j’ai pris les noms d’auteurs de pulp. Donc ça c’est des petits clins d’œil aussi qu’on peut faire, pour le coup extra littéraires, mais voilà on peut se faire plaisir de temps en temps. On fait de la fiction, donc on est pas du tout tributaires de la réalité. À priori, on peut faire ce qu’on veut, même si en réalité on est très contraints par les codes du genre, mais il faut profiter de la liberté qu’on a.

LD : Complètement. Pour Evanégyre et Les Dieux Sauvages en particulier, j’ai le même genre de jeu. C’est-à-dire que Les Dieux Sauvages s’inspire un peu de l’épopée de Jeanne d’Arc, il y a des jeux de déformation de certains épisodes. Par exemple, j’ai le siège d’une ville fluviale, qui s’appelle Loered, Loered => Orléans, tout ça c’est pas anodin.

Après, sur la création d’univers, je ne sais pas si vous faites de choses comparables, mais ce qui est intéressant quand on crée un monde entier, quand on va avoir des langues – Laurent, je sais que tu as des extraterrestres, par exemple – moi j’ai des civilisations parfois millénaires, c’est la capacité aussi d’aller chercher dans la langue, la toponymie… C’est une question qui revient souvent « comment vous construisez les noms ? ». En fait, avant de créer le nom d’un personnage dans l’univers d’Evanégyre, un univers de Fantasy, je vais commencer par créer un syllabaire de base de la langue. Donc, au lieu d’aller chercher le nom, je vais d’abord la toponymie, l’ambiance littéraire, l’ambiance sonore de la langue et des types des noms qui vont se faire à cet endroit-là. Et à partir du moment où j’aurai les syllabes les plus fréquentes, etc., commencer à les coller ensemble pour ensuite aller chercher le nom des personnages, des lieux dans cette ambiance-là. Avec éventuellement des variations et des jeux. L’empire d’Asrethia qui un ancien empire steampunk, un peu inspiré de l’empire romain dans ma tête, ça a toujours été les noms asrethiens doivent sonner elficlates [?]. C’est un empire civilisateur de Fantasy, qu’est-ce qui est le plus emblématique ? Ben Rome et les elfes.

Mais après, je pense qu’il est important de rappeler aussi que ces connotations-là sont quelque chose qui restent à mon sens éminemment personnelles. On a tous une musique de l’écriture en tête, les lecteurs, on espère, vont rentrer dedans. Mais ces connotations, ces symboles-là qu’on évoque par la même inspiration, c’est quelque chose d’éminemment personnel, cette dimension symbolique, ce portemanteau presque qu’on va aller creuser quelqu’un d’autre ne va pas forcément y voir la même chose, mais pour nous c’est l’entrée symbolique là-dedans.

LG : Oui, puis un nom mal conçu, c’est un peu comme du jargon mal assimilé par un spécialiste : ça fait toc. Le pire qui puisse nous arriver, c’est que le nom fasse toc.

LD : Oui, oui. Je pense que c’est important de faire attention aux pièges quand on invente les noms, de faire attention aux noms ridicules.

LG : Ou que ce soit prononçable au moins.

LD : Que ce soit prononçable, lisible.

MF : On peut jouer là-dessus. Enfin moi, je n’ai jamais inventé ça, mais j’en traduis beaucoup, et notamment je suis assez fascinée par cet aspect création des noms dans Les Archives de Roshar de Brandon Sanderson qui sont mon gros morceau de traduction où effectivement il a… Ça se passe dans énormément de pays différents et chacun a un type de sonorité. Ça va des Alethis qui ont des sonorités assez douces, les personnages vont s’appeler Gavilar, Dalinar, etc. des noms comme ça. On a un peuple où le nom est tellement imprononçable qu’on a dû surnommer le personnage Roc parce que personne ne peut prononcer son nom. Et on a une peuplade dont j’oublie le nom, où les noms sont principalement des consonnes accolées ce qui fait que personne d’autre n’arrive à les prononcer. Et c’est impossible à lire, en fait, mais du coup on voit un personnage, on sait de quel pays il vient.

LD : D’accord.

MF : Je fais une petite parenthèse : on peut dire aussi des choses sur l’univers. Un aspect qui m’a frappée dans cette série, c’est qu’il y a tout un développement selon lequel l’idée de symétrie est quelque chose de sacré, et beaucoup de noms sont presque symétriques, mais pas tout à fait. Et on a un personnage à un moment donné qui a un nom parfaitement symétrique, qui s’appelle Ialail et c’est un choix de ses parents de faire quelque chose de blasphémateur. Alors que souvent… on a un personnage qui s’appelle Shallan par exemple, le nom est presque symétrique, mais le début et la fin ne sont pas identiques. Il y a vraiment tout un jeu sur ça, la symétrie est sacrée, donc on s’en approche ou on s’en éloigne.

LD : Juste un mot à mon avis qui est important sur justement les références communes et subliminales, c’est vrai qu’on peut avoir tendance parfois sur des sites de conseils : « pensez à la dureté versus la douceur des noms » par exemple. Des phonèmes en « k », « r », etc. vont être plus dures et évoquer des choses, versus les voyelles qui vont être beaucoup plus douces. C’est vrai, après il faut faire attention au systématisme, et le grand cliché dans la littérature de l’imaginaire c’est les noms de femmes qui se terminent tous par « a ».

LG : Sans la lettre « k » la Fantasy existerait-elle seulement ?

[Rires]

LD : Tout à fait. Et les apostrophes.

[Rires]

LD : Moi ça me fait toujours marrer. Bien sûr énormément de noms de femmes peuvent se terminer par « a », mais c’est très occidentalo-centré, les noms de femmes qui se terminent par « a » et qui sont féminins, mais même en français, on a des…

LG : C’est pas japonais du tout.

LD : Oui, clairement pas. Mais voilà, on a Christine, Jeanne et même dans l’époque, dans l’histoire franque, on a une reine qui s’appelait Ultrogothe qui est quand même le prénom féminin le plus cool de la Terre.

[Rires]

LG : Ça fait Goldorak, ouais, c’est vrai.

LD : Donc faire attention au systématisme, aux clichés. On a éventuellement la possibilité de prendre les choses à contrepied.

LG : L’avantage aussi de l’ordinateur, pour un dernier petit truc, c’est que on peut tout changer d’un coup. Moi ça m’est arrivé une ou deux fois de faire une sorte de simulation de changement de nom comme ça sur un texte entier et pour voir si ça collait. Donc j’avais changé un nom, le nom ne me convenait pas, il y avait un truc qui n’allait pas. J’ai fait des tests et là il y a que l’ordinateur qui peut faire ça. On peut changer un nom, hop, sur un texte entier, voir si ça va, puis si ça colle ça peut le faire.

LD : Juste aussi, il est important à mon avis de signaler que certains auteurs disent parfois que quand le nom d’un personnage était mal choisi, n’était pas juste, ils se sont montrés incapables d’écrire le texte, mais que le trouver, le chercher et revenir justement permettait de débloquer cette dimension symbolique inconsciente pour le personnage.

LG : Oui, parce que c’est un ancrage. Le nom, c’est vraiment un ancrage, je trouve. On a le nom de son personnage, c’est bon. Quelque part voilà, c’est bon. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde.

LD : Mes excuses Jean-Claude si j’ai mal compris ce que tu m’as dit, mais il y a certains auteurs qui ne fonctionnent pas comme ça. Par exemple Jean-Claude Dunyach, si je me rappelle bien, disait lui parfois dans certains textes ses personnages s’appellent AAA, BBB. Il n’a pas besoin de ça. Et jusqu’à la fin de l’écriture, les noms se choisissent à la fin…

LG : Ou Serge Brussolo qui utilisait toujours David, Sarah, etc. Il utilisait toujours les mêmes prénoms d’un roman à l’autre, parce que pour lui c’était plus pratique.

MF : Benacquista faisait ça à ses débuts. Ses personnages s’appelaient tous Antoine ou une variation d’Antoine systématiquement.

LD : C’est encore une fois quelque chose d’éminemment personnel. Une petite citation pour terminer ?

MF : Une citation de Virginia Woolf, qui nous dit : « Rien ne devrait recevoir un nom de peur que ce nom même ne le transforme ».

Jingle : C’était Procrastination, merci de nous avoir suivis. Maintenant assez procrastiné, allez écrire !

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