Je suis une légende, Richard Matheson (roman et adaptation de 2007) (partie spoils)

Je suis une légende

Auteur : Richard Matheson, Américain

Post-apo, one-shot

1954, I am Legend

1955 aux éditions Denoël pour la première publication. Aussi publié chez Gallimard (Folio SF) et France Loisirs

Traduction : Nathalie Serval

Illustration : Georges Clarenko

Warnings

Chaque jour, il doit organiser son existence solitaire dans une cité à l’abandon, vidée de ses habitants par une étrange épidémie. Un virus incurable qui contraint les hommes à se nourrir de sang et les oblige à fuir les rayons du soleil…
Chaque nuit, les vampires le traquent jusqu’aux portes de sa demeure, frêle refuge contre une horde aux visages familiers de ses anciens voisins ou de sa propre femme.
Chaque nuit est un cauchemar pour le dernier homme, l’ultime survivant d’une espèce désormais légendaire.

Mon avis sur le roman

Le roman nous plonge directement dans un « futur » (le roman a 70 ans, hein) post apocalyptique. Pour une raison qu’il ignore, Neville est le seul être humain encore en vie… puisque le reste de l’humanité est soit morte, soit transformée en des sortes de vampires/infectés. Neville était un citoyen lambda, il n’est donc pas forcément armé pour la survie ou la résolution du mystère. Il va pourtant s’y employer, son ennemi le plus mortel étant peut-être la solitude (il n’a même pas d’animal avec lui), le dirigeait lentement mais sûrement vers le désespoir.

Cette histoire d’infectés est désormais bien ancrée dans le genre, mais à l’époque ? Le roman s’inspire des mythes du vampire, mais le sort du surnaturel pour y apporter une explication scientifique, grâce aux recherches du narrateur. Cela pose aussi l’idée que les « créatures » ne sont pas des monstres, mais des humains infectés ou mutés.

Il y a bien quelques attaques (encore que), mais le roman n’est pas franchement tourné vers la peur ou l’horreur, c’est davantage un Drame, avec une apocalypse vampires/infectés en toile de fond. Et à ce titre, il est très efficace. Difficile de ne pas compatir avec le narrateur ou de s’attrister de ses déboires. La conclusion, qui confère une interprétation inattendue au titre, est à la fois très intéressante et d’autant plus efficace que, tout le long, nous étions du côté de Neville, nous incitant alors à nous interroger sur l’humanité et la notion de norme sociétale (je vais faire un aparté là-dessus en toute fin d’article, parce que je vais avoir besoin de spoiler).

Mon avis sur le film de 2007

Je suis une légende (2007)

Réalisation : Francis Lawrence

Scénario : Akiva Goldsman, Mark Protosevich

3e adaptation du livre au cinéma, je n’ai pas vu les 2 autres.

Post-apocalyptique

Dispo sur Netflix

Warnings (risque de spoils)

Trailer

Le film reprend l’idée du livre, mais avec beaucoup de libertés, ce qui n’est pas inintéressant en soit puisque ça propose une autre vision des évènements. Ici, nous savons exactement d’où est partie l’infection (on a même quelques flashbacks), et Neville n’est plus un homme lambda, mais un militaire expert scientifique accompagné d’un chien. Fatalement, ça aide pour la survie et l’expérimentation. Le roman se déroule aussi à une époque plus contemporaine, comme si la catastrophe pouvait nous arriver demain.

Compte tenu de son profil, il n’est donc pas étonnant que Neville ne se contente pas de tuer les infectés durant la journée, mais il en capture pour mener des expérimentations à la recherche d’un remède. Il y a d’ailleurs peu d’attaques là aussi, à l’exception du climax, puisque l’épouvante n’est encore une fois pas le sujet. L’évolution du protagoniste n’est pas tout à fait la même que dans le roman, mais elle propose un ajout en particulier que je trouve intéressant pour… euh… la dégradation de sa santé mentale. Je n’en dirai pas plus, celleux qui savent, savent.

Concernant les infectés, on s’éloigne des vampires-like du livre, qui ne concernent que leur sensibilité à la lumière. Ils sont rapides, agiles et intelligents, et vivent en société, ce qui les rend plus « complexes » que l’infecté zombiesque classique. Les effets spéciaux ont pas mal vieilli, mais ça va.

Par contre, je ne peux pas ne pas évoquer la fin, ou plus exactement les fins.

Le film est sorti au cinéma avec la fin numéro 1, que personnellement je trouve très classique et pas très intéressante, à l’opposé de la fin du roman. Je ne suis pas contre les changements, surtout s’ils sont aussi bien voire meilleurs que la version originale, mais ce n’est pas le cas ici.

Mais, une fin alternative a été tournée, plus intéressante et conforme avec l ‘esprit de la version originale, tout en se déroulant de façon différente. Et a priori, cette fin alternative va devenir canonique : une suite a été annoncée, et compte tenu de la fin n°1, il serait plus logique que ce 2e film raccroche les wagons avec la fin n°2. Pour les personnes curieuses qui ne l’ont jamais vue, elle est facilement trouvable sur Youtube.

Bilan

Le roman ayant presque 70 ans, j’avoue que je craignais un peu de le trouver passé, à le découvrir seulement maintenant, d’autant que je n’avais pas raffolé du film à l’époque. Mais même si certains aspects nous sont désormais très familiers, il faut bien avouer qu’il est toujours efficace, notamment dans sa conclusion qui donne une saveur particulière au titre et nous incite à nous interroger sur la notion d’humanité et de (a)normalité. Quant à l’adaptation de 2007, la version cinéma va complètement à l’opposé du sens du livre. La version alternative rattrape un peu le truc, mais sans expliciter le sens du titre, donc je conseille plutôt le roman.

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

Aparté sur la notion de guérison de « l’anormalité » (spoils)

Dans cet aparté, j’extrapole très, très sûrement, mais ça me semblait intéressant notamment en tant qu’autrice amatrice : au-delà des thématiques insufflées consciemment dans une œuvre, celle-ci sera perçue au travers du prisme des expériences de la personne qui la reçoit. L »œuvre pensée par l’auteurice pourra ainsi être légèrement différente de l’œuvre perçue.

Dans le livre et la 2e fin du film, le narrateur et nous-mêmes nous rendons compte de la dimension délétère de sa quête. Pour lui (et nous au début), les « mutants » sont des malades à soigner, des créatures qui s’écartent de sa norme connue et qui nécessitent donc soit d’y être ramenées soit d’être éliminées. Or, on découvre que ces personnes ont formé une nouvelle société et qu’ils ressentent toujours des émotions, vivant comme une tragédie les meurtres et/ou expériences commis par le protagoniste, qui devient ici le méchant de l’histoire. Bref, ils n’ont ni besoin ni l’envie d’être soignés, même s’ils s’écartent de la norme, ils aimeraient juste qu’on leur foute la paix et qu’on arrête de les tuer. Cela nous interroge aussi sur la pertinence de norme sociétale, puisqu’elle est susceptible de changer selon le contexte, l’époque, et le point de vue.

Ca ne fait pas écho en vous ? Dans notre vie de la réalité véritable ?

Je pense notamment aux personnes LGBTIA+, aux neuroatypiques, et aux critères de beauté parfois racistes, validistes ou grossophobes. Aux thérapies de conversion, aux méthodes visant à ramener les personnes vers une norme jugée plus acceptable mais contraire à leurs besoins, aux discriminations qu’elles subissent car « différentes », aux recherches visant à trouver des explications, aux « soins » dangereux, et bien sûr, aux agressions et aux meurtres qu’elles ont subi et qu’elles continuent de subir.

Neville finit par comprendre le mal qu’il a fait, mais dans notre réalité, il y a toujours du boulot (même si on évolue, et heureusement)… A l’époque, Matheson n’avait sans doute pas cette lecture en tête, mais à la lecture et au revisionnage de la fin alternative, ce parallèle m’a frappée, donc je voulais vous le partager. Mais du coup, je trouve ce roman fascinant surtout pour sa conclusion, qui change complètement notre vision de l’histoire.

13 réflexions sur “Je suis une légende, Richard Matheson (roman et adaptation de 2007) (partie spoils)

  1. Si seulement le film avait assumé la fin alternative d’entrée. Il y a un parallèle à faire avec I robot, au delà de la présence de Will Smith, dans lequel les androïdes doués de raison sont mis au rebut. On brime et met a l’index ceux qui ne rentrent pas dans la fonction attendue. Et ça peut démarrer bêtement sur un genre avec lequel un auteur a percé. Il y est enfermé parce que c’est là que son public l’attend. Et prendre des proportions epouvantables jusqu’à tuer des festivaliers sur la base de leur religion..

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  2. Il y avait aussi dans le livre, me semble-t-il, la notion que les infectés deviennent la nouvelle norme, Neville étant absolument le seul être humain restant (en tout cas je pense me souvenir qu’il n’entre en contact avec absolument personne), d’où le titre « je suis une légende », dans le sens que son existence ne se raccrochera bientôt plus qu’à la légende.

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  3. Je te rejoins totalement sur le roman, j’ai adoré cette fin qui retourne le tout et apporte une dimension et une réflexion tellement plus vastes. Je ne m’y attendais pas du tout et j’ai été vraiment conquise.
    Je n’avais pas aimé le film que je trouvais classique et sans intérêt (avant même d’avoir lu le roman), mais tu me fais découvrir cette fin alternative.

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