Démons japonais, anthologie des Luciférines

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Démons japonais est une anthologie compilant 17 nouvelles, 20 articles et 20 illustrations, publiée en 2019 par les éditions Luciférines. Chacune des nouvelles répond au thème des démons japonais, les yokai, et se situe sur le spectre Fantastique-Horreur. 

Pas forcément pour des enfants, donc… 

Vous pensiez avoir rencontré une jolie femme, un adorable chat ou un enfant espiègle ? Ne vous fiez pas aux apparences, car dans la mythologie japonaise, elles sont souvent trompeuses. Esprits vengeurs, fantômes tourmentés, femmes-araignées ou cannibales, kimonos hantés, chats voleurs de corps et carpes légendaires : les yokai peuvent prendre des apparences variées, souvent inattendues. On les croise sans le savoir dans des jeux vidéo, mangas et films d’horreur asiatiques.

De nature ambivalente, les yokai brouillent les limites entre le monde matériel et le monde spirituel. Parfois nuisibles, ils ne se manifestent jamais par hasard et pourraient être une incarnation des désordres laissés dans notre époque.

Chaque nouvelle est accompagnée d’un descriptif du ou des yokai ou yurei concernés, et d’une illustration le représentant. Je salue au passage le super travail des illustratrices : (J’ai mis un peu ce que j’ai trouvé comme pages, si les illustratrices passent par là, qu’elles n’hésitent pas à me donner les liens qu’elles voudraient mettre en avant 🙂 )

La couverture, que je trouve superbe, est signée Santiago Varela.

Afin de vous laisser la surprise, je ne vous ai pas indiqué les yokais présents dans les nouvelles (et si vous voulez vous garder la surprise, évitez de regarder le sommaire). Je vous ai quand même mis une illustration par illustratrice, mais je pense que ça ne vous gâchera pas grand-chose.

Je vous dirai simplement qu’il n’y a pas de kistune 😉 (quoi que… j’ai un doute sur un des personnages). Même si j’adore cette créature, je suis plutôt contente que les Luciférines aient privilégié des yokai moins connus. Si vous voulez du renard, je vous redirige vers Les Noces de la Renarde, de Floriane Soulas.

Si les yokai vous intéressent, je vous conseille par ailleurs Le Dictionnaire des yokai, de Shigeru Mizuki, publié aux éditions Pika.

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  • La Malédiction du peintre, Annabelle Blangier

Une femme sans visage visite un peintre dans ses cauchemars.

Les vraies histoires fantastique sont, j’ai l’impression, de plus en plus rares, et je suis toujours contente quand j’en trouve une. Celle-ci est relativement classique dans son intrigue, mais l’atmosphère inquiétante fonctionne bien, et j’ai bien aimé le fait que la nouvelle commence par un flash forward, ce qui suscite la curiosité sur ce qu’a bien pu faire le personnage.

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Illustration d’Aemarielle

 

  • Les Fruits du Jinmenju, Pierre Brulhet

Suite à une punition, le petit Ari doit nettoyer la cours de son école, où réside un arbre aux fruits étranges…

Le personnage principal est vite attachant, difficile de ne pas s’émouvoir de son quotidien injuste de gamin harcelé et isolé. La fin est à la fois effrayante, horrible et satisfaisante. J’avais attendu une autre fin, mais celle-ci est très bien aussi :3

 

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Illustration d’Ana Diener

  • Lysandre, Yvan Berbedette

Amanda, lieutenant de police, enquête sur la mort d’une vieille femme.

J’ai adoré cette nouvelle ! Tout d’abord, la narration est très intéressante, puisque la majeure partie de l’histoire est racontée par le biais d’enregistrements audio d’Amanda, ce qui fait qu’on a qu’une partie des informations, et on ne comprend pas tout ce qui se passe, du coup. Ajoutez à cela l’ambiance et les évènements angoissants qui sont décrits… :3 J’ai aussi adoré la fin, je n’avais absolument pas vu venir le twist.

 

  • La Pêche à la carpe, Audrey Salles

Quand deux camarades de classe décident d’aller pêcher une carpe légendaire…

Une nouvelle au thème et aux personnages très dérangeants, ce qui est nickel pour une nouvelle horrifique. Et puis je ne connaissais pas trop ce yokai, dont je n’avais jamais lu/vu de représentation. J’ai apprécié que la nature d’un des trois personnages demeure dans le flou et que la fin soit mystérieuse. Et dire que j’ai justement mangé des sushis la veille de ma lecture… j’aurais peut-être pas dû^^

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Illustration de MoonE

 

  • Jeune génération, Philippe Deniel

Sortant d’un concert, des jeunes s’apprêtent à prendre le train en pleine nuit.

Encore une nouvelle bien réussie 🙂 Connaissant le yokai « principal » de la nouvelle, je m’attendais à une histoire sans surprise. Et pourtant ! Je ne suis pas fan des transports en commun, du coup le côté… particulier de ce voyage en train m’a mise un peu mal à l’aise^^ Par ailleurs, je ne m’attendais pas au twist de fin, que j’ai trouvé vraiment chouette, du coup 🙂 (pourtant, l’une des nouvelles précédentes aurait dû me mettre la puce à l’oreille…)

 

  • Le Chant de la baleine, Lazarii

Alors qu’il ne cesse de pleuvoir, une jeune fille se fait raconter l’histoire de la déesse-baleine.

J’ai beaucoup aimé la narration, qui a un côté onirique, surtout avec la répétition en début de scène du « Il pleut ». La relation entre les deux personnages est plutôt touchante. J’ai en revanche un peu moins accroché globalement à cette nouvelle, qui n’est pas horrifique (en plus, j’avais en tête la version de Re:Zero de ce monstre, qui est beaucoup plus effrayante que celle de la nouvelle). Elle reste quand même sympathique.

 

  • Affamée, Noémie Wiorek

Une adolescente anorexique consulte sa diététicienne pour la dernière fois.

Ce qui est effrayant dans cette nouvelle, ce n’est pas le yokai, qu’on voit très peu au final. C’est l’influence que peut avoir une personne détentrice de l’autorité (un professionnel médical, par exemple…) sur quelqu’un, surtout jeune. Et le problème, c’est que ce n’est pas uniquement dans la fiction, loin de là… Au delà de ça, j’ai bien aimé l’histoire, surtout que même si je connaissais le yokai, je ne connaissais pas son histoire.

 

  • Les Chats à longue queue, Anne Goulard

Un fonctionnaire doit s’assurer de la bonne santé d’une vieille dame qui adore les chats.

Les bakeneko et nekomata font partie de mes yokai préférés, donc je dois l’avouer, j’attendais cette nouvelle^^ Du coup, son déroulement ne m’a pas surprise, la fin non plus, mais, elle est bien menée et les chats ne sont pas des plus rassurants^^

(Point chipotage : dans la nouvelle, le terme de nekomata est employé, or a priori les chats sont plus des bakeneko, vu qu’ils n’ont pas deux queues (ou la queue fendue), ce qui est justement la caractéristique du nekomata.)

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Illustration de Léa Geas

 

  • En attendant le baveux, Johann Vigneron

Une femme souhaite discuter avec un policier en attendant son avocat, suite à la disparition de son ex.

J’avoue avoir eu du mal avec la narration, au début. La femme raconte sa relation avec son Ex, du coup le policier l’interrompt tout le temps en répétant ses derniers mots ou en lui posant des questions très brèves qui, je trouve, cassent le rythme. Je pense que c’est pour introduire un certain dynamisme et ne pas laisser la femme parler toute seule, mais chaque fois que le policier intervient, ça m’a sortie du récit de cette femme. Bon, c’est surtout sur les premières pages, après ça s’adoucit car le flic intervient moins, mais du coup j’ai eu du mal à rentrer dedans.

L’histoire en elle-même est chouette par contre, très amusante dans son côté absurde, dans le genre humour noir, surtout dont la façon dont c’est raconté, et la chute est bien « drôle » aussi (non, parce que cette fichue salle de bain…^^). Je connaissais très vaguement ce yokai, mais je n’aurais pas pensé à l’associer à un texte horrifique, c’est bien vu^^

 

  • La sécheresse des ventres, Thibault H.Charroux

Une femme qui approche de la quarantaine désespère de ne pas encore avoir eu d’enfant.

La narration classique est régulièrement coupée par les enregistrements audio du protocole censé permettre à Hiromi de concevoir un enfant. Des enregistrements vite glauques. Et c’est vraiment le genre d’histoires qui met met plus mal à l’aise que les histoires de monstres plein de crocs qui se tapissent dans le noir, ces histoires qui touchent un peu trop au réel pour qu’on puisse se dire que ce n’est « que » de la fiction. C’est peut-être dû à mon passif médical, mais les médecins qui prennent comme ça l’ascendant sur leurs patients… (sans parler du côté un peu… sectaire ? du protocole). En plus, je ne connaissais pas ce yokai, donc je ne savais pas à quoi m’attendre. Bref, d’un point de vue horrifique, c’est réussi pour moi^^ Bon, par contre, je n’ai pas compris le pourquoi du comment, et notamment les motivations d’un peu tout le monde. Seules celles d’Hiromi sont claires. Chouette ambiance mais un peu trop floue pour moi.

 

  • Jusqu’à la poussière, Natacha Rousseau

Un yokai raconte sa rencontre avec un enfant humain.

Bien qu’elle ne soit pas particulièrement horrifique, je pense que c’est l’une de mes préférées du recueil. Elle est triste, émouvante, poétique. La relation entre les deux personnages est touchante, la fin douce-amère. C’était par ailleurs une bonne idée de faire raconter l’histoire par le yokai.

 

  • Le fond des casseroles, Juliette Bas

Une adolescente mal dans sa peau découvre le « secret » de beauté de sa meilleure amie.

Cette nouvelle est à la fois… dégoutante, et très triste. Combien d’adolescentes se tournent vers des pratiques peu conventionnelles, voire dangereuses, pour afficher une peau radieuse ? Pour être plus minces ? plus « belles » ? L’utilisation du yokai, adaptée à notre vie moderne, est très bien pensée. J’ai beaucoup aimé cette nouvelle.

 

  • Le syndrome de Bakusen,, Franck Stevens

Un homme se rend dans une clinique pour un entretien d’embauche. Tous ses patients présentent les mêmes caractéristiques.

Décidément, le médical aura été inspirant^^ Une nouvelle que j’attendais aussi, vu que l’un des yokai présents me fascine beaucoup. L’ambiance inquiétante est bien rendue, et si je n’ai pas vraiment été surprise par le twist, il reste efficace. Également bien aimé cette nouvelle.

 

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Illustration de Maëlle de Gracia

  • Dernière partie, Morgane Scheimneer

Une jeune femme se prépare à accueillir son groupe d’amis pour la 100e partie de leur jeu de rôles favori.

Une nouvelle simple mais très sympa, surtout que je ne connaissais pas le jeu dont il est question. Puis ce qui arrive à la fin, ça fait toujours son petit effet, surtout quand on lit le soir^^

 

  • 1945, Aaron Judas

Un adolescent, bloqué dans son jeu vidéo, doit chercher des solutions sur internet.

C’est plutôt original d’utiliser ainsi le jeu vidéo, et le choix du yokai est parfait pour une histoire qui se déroule sur internet^^ Je suis un peu moins fan de la fin, mais le déroulement est très chouette.

 

  • L’ombre du kabuki, Caroline Blineau

La narratrice travaille dans l’ombre d’une représentation de théâtre kabuki.

J’ai bien aimé l’atmosphère de cette nouvelle, mais je pense qu’il faudra que je la relise pour bien comprendre ce qui s’y passe. J’ai mis un moment avant de comprendre où l’autrice nous menait.

 

  • Du coeur jusqu’à l’os, Alexandra Fiordelli

Alors qu’Anna est chez des amis, dont son coup de coeur, celui-ci commence à avoir un comportement étrange…

La nouvelle est bien glauque, surtout avec ses descriptions, La nouvelle n’est pas particulièrement surprenante, mais elle reste efficace.

 

Bilan

Comme pour toute anthologie, certains textes ont eu ma préférence, néanmoins, il n’y en a aucun que je n’ai pas aimé, ce qui est plus rare^^ Le choix des yokai est plutôt sympa, des connus et des moins connus, des nouvelles qui mettent en scène leurs légendes de façon « littérale », d’autres un peu plus personnalisées. Certains apparaissent plusieurs fois, mais de façon trop différente pour que ce soit redondant ou évident.

Les textes sont tout à fait accessibles aux néophytes du folklore japonais, et les articles et illustrations qui les accompagnent sont parfaites pour en apprendre un peu plus. Si l’épouvante ne vous fait pas peur (désolée), je pense que cette antho convient aussi bien pour une porte d’entrée dans cet imaginaire, que pour les lecteurs un peu plus chevronnés.

 

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

 

12 réflexions sur “Démons japonais, anthologie des Luciférines

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